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— 163 bis —

On nous introduisit dans un petit salon où se trouvaient déjà rassemblés plusieurs jeunes seigneurs et quelques dames de la cour. Après une foule de salutations sans cesse réitérées, (on sait déjà qu’il était fort sur cet article) et en attendant que l’Empereur parût, l’industriel ouvrit la boîte où nous logions, et pour nous donner des forces, nous lâcha avec confiance sur son bras. — C’était notre réfectoire ordinaire.

Pendant que nous déjeûnions ayec appétit, aux dépens du sang de notre hôte, une porte du fond s’ouvrit et donna passage à l’Empereur, aux princes Charles et Ferdinand, à la belle Marie-Louise et à un homme dont j’appris, plus tard, à maudire le nom, lorsque j’eus lié ma destinée à celle de Napoléon-le-Grand. Il se nommait M. de Metternich. — L’Empereur prit place avec sa suite ; il adressa quelques mots flatteurs à notre maître sur la renommée de ses élèves et déclara qu’il était bien aise de juger, par ses propres yeux, d’un talent qui faisait tant de bruit dans le monde.

Nos exercices commencèrent.

La modestie n’étant pas de mode dans les mémoires, je me conformerai à l’usage et je dirai franchement mes qualités, comme je dirais mes défauts, si j’en avais. On saura donc que j’avais apporté à mes études de stratégie et de gymnastique une si prodigieuse aptitude, qu’en très-peu de temps mes compagnes étaient restées bien loin derrière moi. Ces succès m’avaient valu le droit de commander la petite troupe. On comprend assez que ma mère, la seule qui pût me disputer mon rang, s’était effacée pour laisser toute la gloire à sa fille. — Excellente mère !…

Ce jour-là, comprenant que je devais me surpasser en présence d’une telle assemblée, je mis tout mon génie en jeu, et je parvins à opérer des combinaisons si parfaites et si merveilleuses que j’excitai autour de moi une admiration générale, — Au moment où l’Empereur paraissait le plus enchanté de ma