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QUE FAIRE !…
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      Lorsque le siècle a tué, dans notre âme abusée,
La timide candeur, la naïve pensée,
Que trop insoucieux on n’a rien protégé,
Que faire, dites-moi, lorsque le cœur est vide ?
Que pourtant sur le front l’on ne voit pas de ride,
Et que sur les cheveux l’hiver n’a pas neigé ?

      Lorsqu’on a vu s’enfuir la menteuse espérance,
Que les sens sont blasés de fade jouissance,
Qu’on n’a plus ni regrets, ni craintes, ni désirs,
Lorsqu’on a tout usé, si ce n’est la souffrance,
Et que sentant encor sa force et sa puissance,
On a déja tari la coupe des plaisirs ?

      Quand les légers parfums des fleurs de la vallée,
Le murmure plaintif de la verte feuillée,
Et le chant de l’oiseau qui vole dans les bois,
Sont sans charmes pour nous, sur notre lèvre amère,
Ont peine à faire éclore un sourire éphémère ;
Quand la nature enfin pour nous n’a plus de voix ?

      Lorsque notre regard dédaigneux, froid et sombre,
N’aime plus, quand la nuit descend ramener l’ombre,
À poursuivre l’étoile errante au front des cieux ;
Qu’on ne peut plus trouver la molle rêverie ;
Qu’on n’interroge plus la fleur de la prairie ;
Que même pour pleurer on est trop malheureux ?