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orangers remplissaient l’air de leur senteur embaumée. C’était une soirée d’Italie dans toute sa beauté, c’était la réalisation la plus complète des mystères de la rêverie et de l’amour ; car dans ce jardin de délices, que terminait une ombreuse allée, deux jeunes créatures s’étaient secrètement réunies, pour la dernière fois peut-être ; appuyées l’une sur l’autre, elles cherchaient le mystère ; et c’est pour cela que, sans s’effrayer des ténèbres, sans crainte des lutins moqueurs qui raillent les jeunes filles, elles s’enfoncèrent dans l’obscurité la plus profonde, Là, elles s’assirent sur un banc qu’entrelaçaient des touffes d’herbes odoriférantes ; et après avoir entendu l’heure s’envoler en se plaignant avec sa voix argentine, elles tinrent la conversation suivante :

— Demain, Giovani ?

— Demain, Cécilia.

— Demain tu seras sur la route de Naples, tu entreras dans une grande ville, au milieu du bruit et de la foule. Je peux te dire ce qu’il en est, moi qui ai vécu dans tout ce tumulte. Je puis te dire que nous autres, pauvres enfants, nous ne pouvons pas trouver un instant pour le plaisir. Oh ! je te plains bien sincèrement, toi qui as toujours été libre, toi qui as vécu dans les douces tranquillités du cloître et qui n’avais qu’un pas pour aller sur la montagne entendre chanter les doux oiseaux du ciel. Oh ! tu seras bien malheureux !

— Pas autant que tu le penses, Cécilia, car je songerai à toi, à tous ceux que je laisse, à ma bonne mère, aux jours déjà regrettés où le front ceint de fleurs je fus conduit à la table des élus par les accords sublimes de l’orgue. J’appellerai toutes ces ombres chéries, pour m’aider à supporter l’avenir ; j’irai prier devant les saintes madones échappées au pinceau du pauvre Zampiari. Oh ! sans cela, je n’aurais jamais abandonné mon pays ; je n’aurais jamais songé à te quitter, toi, ma