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a fait éprouver à lan des plus grands musiciens de l’Italie qui veut être son maître. Mais tout en étant persuadé de la volonté du ciel, je n’ai point oublié que c’est à vous, Ludovic, que Giovanni dut un nom, et que, grâce à votre tendre sollicitude, bonne Ninetta, il n’apprit point que le baiser glacé de la mort l’avait privé du sein maternel. Je viens donc savoir quelles seraient vos objections à ce projet.

Les deux époux se regardèrent avec inquiétude. Ninetta surtout, fortement impressionnée par ce qu’elle venait d’entendre, laissa échapper des larmes mal contenues.

— Pourquoi pleurer, Ninetta ? Je viens m’aider de vos conseils ; je viens m’occuper du bonheur de notre cher Giovanni.

— Hélas ! mon père, votre grande sagesse sait mieux que nous ce qu’il faut désirer ; si je pleure, ce sont mes regrets qui m’arrachent ces larmes. Je pleure, comme pleurent toutes les mères qui voient fuir leur joie et leur félicité, qui voient les doux oiseaux qu’elles avaient réchauffés s’envoler pour long-temps et peut-être pour toujours !…

Les hommes ne peuvent connaître les tristesses qui nous accablent, nous autres pauvres femmes ! Les hommes sont forts, fiers et indépendants. S’ils aiment, leur passion est vive, animée et violente, les obstacles les irritent, et lorsqu’ils ne peuvent les vaincre, leur orgueil les conduit au suicide, ou bien s’ils vivent, au mépris de tout ce qu’il y a de saint et de vénéré. Nous, au contraire, si les afflictions nous atteignent, leur durée est égale à notre existence ; nous vivons dans les larmes ; elles répondent à toutes nos peines : ce sont les seules amies qui nous soient fidèles. L’amant délaisse celle qu’il aima, l’époux abandonne l’épouse, le fils lui-même, lui le plus ingrat, parce qu’il fut le plus aimé, oublie l’ange qui le veilla et qui fit de sa vie un sacrifice éternel ! Les larmes seules nous res-