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Quand le Roi eut pris place sur le balcon, le concert commença. L’orchestre exécuta différents airs patriotiques qui firent plus d’impression sur la foule que les démonstrations du prince. En général, mon ami, il faut venir à Paris si l’on veut comprendre toute la portée du sens attaché au mot musique. Le concert terminé, je me précipitai avec une partie de la foule sur une des terrasses latérales du jardin, pour voir le feu d’artifice que l’on devait tirer sur la Seine à neuf heures précises. Quand l’heure sonna, trois fusées de signal partirent en sifflant du château des Tuileries. À l’instant, de l’autre côté de la rivière, sur l’esplanade des Invalides, palais qui sert d’asile aux vieux militaires, une douzaine de gros canons commencèrent un feu roulant qui se continua pendant tout le temps que dura le feu d’artifice. Rien de solennel comme ces bruyantes et sourdes décharges au milieu de la nuit, et parmi les deux cent mille voix de toute cette foule qui était là, curieuse et transportée. Je n’essaierai pas, mon cher Ki-Aou, de te décrire ce que j’ai vu quand le feu eût été communiqué à tout l’ingénieux et brillant appareil : les termes me manquent, et je te préviens que j’en ferai autant à propos d’autres merveilles dont j’aurai à l’entretenir

Quand tout cet éclat se fut réduit en fumée, hélas ! comme toutes les plus belles choses de ce monde, un nouveau spectacle vint frapper mes regards. Tout Paris s’était subitement illuminé : le jardin des Tuileries surtout était éblouissant de clartés. J’allai me placer sous le balcon où le Roi avait paru quelques heures auparavant, et c’est là qu’il me fut donné de jouir du plus magique spectacle qui se soit jamais offert à mes yeux. Écoute bien ce que je vais te dire. — Imagine-toi être dans la position où je me trouvais et que je viens de t’indiquer. Ton regard se plonge alors, en ligne exactement