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dépens du corps, et bien que ma santé n’eût rien d’alarmant, cependant la faiblesse de ma complexion, la finesse de ma taille, l’excessive ténuité de toute ma personne pouvaient faire concevoir quelques craintes. C’est alors que la providence sembla m’envoyer tout exprès l’homme à qui je devais être redevable en même temps d’une santé robuste et de nouvelles connaissances. — Un jour, M. le maire achevait de déjeûner en famille, lorsqu’on vint l’avertir que quelqu’un désirait lui parler. Il donna ordre d’introduire, et nous vîmes entrer dans la chambre un homme d’une cinquantaine d’années, vêtu à la manière des sallimbanques, de même qu’une femme qui le suivait, tenant sous son bras une petite table portative :

— Salut à M. le maire et à sa respectable famille, dit-il, en se prosternant jusqu’à terre ; puis se retournant vers sa compagne :

— Mon épouse, venez rendre vos hommages au maire des maires, à la gloire de la magistrature !…

À cette singulière apostrophe et surtout à la bizarrerie du costume, les enfants furent sur le point de laisser échapper un immense éclat de rire ; mais leur père les contint d’un regard, et s’adressant à ces deux étranges visiteurs, qui ne cessaient de multiplier leurs salutations :

— Que désirez-vous ? leur demanda-t-il.

L’homme prit la parole :

— Voici, voici, M. le maire. — Mon épouse, saluez encore une fois l’illustre magistrat, sa chaste moitié et leur intéressante famille. — Bien. — Maintenant, M. le maire, je prendrai la liberté de vous dire que la fortune n’a pas toujours été aussi ingrate à mon égard qu’elle l’est aujourd’hui.