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de la courte réception que fit le maire de la ville à l’envoyé autrichien, elle avait entendu ce dernier annoncer la résolution où il était de partir de suite, et aussitôt, sentant bien l’impossibilité de le suivre, elle avait pris son parti, et, me serrant dans ses bras, elle s’était attachée bravement à l’honnête magistrat qui, sans le savoir, introduisit, ce jour-là, deux nouveaux hôtes dans sa famille,

Le maire de Strasbourg était un gros homme, rouge, court et rond ; son épouse était une grosse femme, ronde, courte et rouge, et les deux enfants, garçon et fille, donnaient de grandes espérances d’être par la suite tout-à-fait semblables aux auteurs de leurs jours. Voilà pour le physique. — Quant au moral, M. le maire ressemblait à tous les maires du monde, et Mme la mairesse à toutes les mairesses imaginables ; ce qui signifie que leur grosse personne était remplie d’une petite vanité qui leur allait à merveille. L’honorable magistrat marchait avec dignilé, saluait avec une bienveillance affectée, se rengorgeait en parlant, souriait le moins possible et se donnait, vis-à-vis ses subordonnés, un air de protection que soutenaient admirablement ses jambes monumentales, l’ampleur de son abdomen, ses joues pendantes et son menton à triple étage. Sa digne moitié savait de son côté garder son rang : elle évitait soigneusement de se compromettre avec les petites bourgeoises du lieu ; grasseyait en parlant pour se donner les airs d’une parisienne ; causait souvent de la capitale qu’elle n’avait jamais vue ; élevait jusqu’aux cieux le talent administratif de son noble époux, et chaque fois que celui-ci, revêtu des insignes de sa dignité, honorait de sa présence quelqu’une de ces fêtes patriotiques que multipliaient les victoires de l’Empire, se montrait sur le balcon de l’Hôtel-de-Ville plus radieuse et