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Cette vie monotone déplut à son père, qui lui intima l’ordre de voir le monde. Sans murmurer elle obéit, mais sa soumission ne pouvait aller plus loin ; pressée pour choisir entre tous ceux qui prétendaient à sa main, elle résista et dit qu’elle voulait vivre dans la solitude.

— Vous êtes folle, Maria ; j’ai souffert jusqu’à ce jour vos exagérations, c’est assez. Dans huit jours le prince de Salerne recevra votre main. Ces paroles portèrent le désespoir dans l’âme de la princesse. Son inquiétude augmenta, car elle portait dans son sein le fils d’Alphonse. Elle écrivit au prince royal, et le soir même nous allions consulter le bon ermite ; il nous engagea à quitter Naples, et dans la nuit même nous partîmes pour ce vieux château. Là, ma maîtresse vécut seule ; elle choisit cette chambre, parce que l’horizon qui s’y déployait lui permettait d’étendre son rêve et d’élargir sa pensée. C’est là, sur ce clavecin, qu’elle chantait les vers de Dante, les douleurs de Francesca et de Paolo ; c’est ici qu’elle mourut subitement surprise par son père qui venait avec un époux ?…

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Géromio s’arrêta. Des larmes remplissaient ses yeux. Pour les deux enfants, ils avaient écouté avec attention la touchante histoire, car Cécilia dit :

— Et le prince Alphonse ?

— Mort, répondit Géromio !

— Et l’enfant, reprit Giovanni ?

— Avec son père et sa mère, tous trois heureux. Le vieil ami reste seul à les pleurer, Les regards des trois personnes se reportèrent alors sur l’image de Maria, et Giovanni, poussé par une délicatesse exquise, et par un sentiment inconnu, s’approcha du clavecin ; ses doigts touchèrent ce clavier qui depuis long-temps ne s’était ému, Tout était encore à la même place, l’artiste lut et dit ce qu’il y avait sur le pupitre. C’étaient les vers