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lorsqu’un matin le prince royal entra dans ma chambre, la colère dans les yeux, la figure animée par la fureur.

— Où est ton maître, me dit-il ?

— Son altesse repose encore. Sans attendre ma réponse, le prince Ferdinand ouvrit avec impatience la porte de l’appartement de mon maître et lui dit :

— Tu dors tranquille, Alphonse, et ton ami est déshonoré ! Laure m’est ravie ! L’infâme conseiller de mon père, le lâche duc de Palerme, nous fait bannir pour toujours, toi pour m’avoir servi, moi pour avoir trompé, disent-ils, les hypocrites ! une jeune fille candide et pure. Leurs espions ont découvert à Laure que j’étais l’héritier du royaume. Alphonse, dans une heure, un ordre va t’exiler à Messine, moi à Portici. Veux-tu savoir quand finira notre exil ? Quand ils auront livré aux prisons monastiques la jeune fille qui m’aimait saintement. On te rappellera pour assister au mariage de Sorrente avec Marie de Manfredonia. Allons, Alphonse, si l’amitié te trouve indifférent, que l’amour l’exalte, que la vengeance te paraisse sublime, et que ce soit avec nos poignards que nous allions écrire notre haine sur le sein de nos ennemis !…

Le prince se tut et fixa mon maître, qui, interdit par cette violente déclamation et dans les surprises du réveil, cherchait à s’expliquer ce qu’il venait d’entendre. Ferdinand continua : — Tu sais, Alphonse, tu sais que mon amour était la douce lueur qui éclairait mes ennuis. J’avais rêvé tout un avenir d’enchantements, dans cette mystérieuse religion du cœur qui m’unissait à Laure. Tes conseils m’avaient éloigné de toute mauvaise pensée, et voilà que leurs infâmes calomnies ont effeuillé la couronne virginale de ma bien-aimée. Trop corrompus pour comprendre le chaste délire, les suaves félicités de l’âme, ils ont ri de mon culte. Profanateurs impies, ils ont répandu leurs sarcasmes impurs sur mes illusions. Malheur sur