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large ; à l’île Santa Maria : il y va de notre bonheur. Les vagues plièrent sous mes efforts ; quelques minutes après nous étions arrivés.

— Ta mandoline, Ferdinand, dit Alphonse à son ami, qui s’était élancé à terre.

— Que Géromio la garde et descendez promptement. Nous arrivâmes sous les croisées d’une charmante habitation.

— C’est ici, Alphonse.

Nous nous mîmes alors à chanter les barcarolles des gondoliers. Un léger bruit se fit entendre et j’aperçus comme l’ombre d’un ange qui glissait sur le mur. Nos douces sérénades se renouvelèrent plusieurs fois, et toujours la fantastique apparition s’offrit à ma vue.

Une soirée enfin, le prince royal descendit seul au rivage et nous l’attendîmes couchés sur les bancs de la gondole. Son ami m’interrogea sur ma famille, et quand il sut que j’étais orphelin, il me dit :

— Comme moi, Géromio ! Personne au monde à aimer et à chérir ! N’est-ce pas que l’ennui te vient souvent, lorsque tu trouves la maison triste et désolée de ne plus entendre la voix grondeuse du père de famille ou les douces paroles de la mère, ou bien encore regrettant les récits merveilleux de l’aïeul ? Si tu veux, Géromio, tu viendras à mon service. J’ai de nombreux serviteurs ; pas un d’eux ne m’est attaché ; toi, tu me plains, tu m’aimeras.

Le lendemain, j’habitais un des plus beaux palais de Naples. Je ne quittais plus mon maître, je lui devins nécessaire, et tous les jours j’admirais sa bonté, son zèle à secourir les malheureux.

Un événement imprévu vint subitement renverser mon bonheur.

Il y avait plusieurs jours que les deux amis ne s’étaient vus,