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de la création du monde, quand ils ratiocinaient si le seigneur Dieu se reposa de son œuvre prodigieuse — fût-ce un samedi en l’honneur de l’ancienne alliance ? — fût-ce un dimanche, en l’honneur de la nouvelle ? À la chaleur de la dispute on eût pu mesurer l’ignorance des disputants. Vous échoueriez à réconcilier celui qui n’a vu qu’un côté de la question et celui qui n’a vu que l’autre. Éternelles sont les discussions entre ceux qui n’ont tort qu’à demi et ceux qui n’ont raison qu’à moitié. Mais ce n’est point ici qu’on s’engagera en d’irritantes discussions, en haineuses controverses. Notre intention n’est point de juger ni de condamner, mais seulement de comprendre. Bienveillante pour tous, la science fait la paix dans les esprits et dans les cœurs.


IV

Chaque religion se disant provenir d’une révélation divine, devait nier ses rivales. Fatalement ses adhérents devenaient les contradicteurs et les acharnés adversaires de toute doctrine qui lui faisait concurrence. Les religions ont développé plus d’animosité autour d’elles que ne le firent jamais le principe dit des nationalités, ni l’institution de la propriété privée — d’ailleurs ces religions ne sont-elles pas la plus sacrée des propriétés et la raison profonde des nationalités ? — « Il n’y a de haine que de théologiens », disait Luther. Il s’y connaissait et nous pouvons l’en croire sur parole. Les haines des protestants entre eux, des protestants contre les catholiques, des chrétiens contre les juifs et les musulmans — l’énumération pourrait être continuée — ont fait verser sang et larmes par ruisseaux. La personnalité de ces religions étant exclusive, exclusive comme elles était la science qu’elles développaient, rien ne sortait de leurs officines que marqué du sceau d’une orthodoxie spéciale.

Il en fut ainsi jusqu’à la moitié du dernier siècle, jusqu’à l’émancipation de la raison humaine. Avant l’illustre « Encyclopédie », les sciences étaient justiciables de la révélation, après l’Encyclopédie, les révélations furent justiciables de la science. L’impulsion fut décisive, elle donna aux esprits une direction nouvelle, changea l’équilibre du monde intellectuel, modifia son orbite.

Cependant, nous n’hésitons pas à reconnaître que les Encyclopédistes et leurs successeurs immédiats ne firent des religions, et de la religion chrétienne plus particulièrement, qu’une critique superficielle et entachée d’insuffisance. ; ils ne les regardaient qu’à travers le prisme de Virgile et de Platon.

Mais voici qu’Anquetil Duperron rapporta d’Inde la traduction du