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Chap. XXVII, 17.
Chap. XXVIII, 6.
ACTES DES APÔTRES.

d’une petite île, nommée Cauda, et nous eûmes beaucoup de peine à remonter la chaloupe. 17Quand on l’eut hissée, les matelots, ayant recours à tous les moyens de salut, ceintrèrent[1] le navire, et dans la crainte d’échouer sur la Syrte, ils abattirent la voilure et se laissèrent aller. 18Comme nous étions violemment battus par la tempête, on jeta le lendemain la cargaison à la mer, 19et le jour suivant nous y lançâmes de nos propres mains les agrès du navire. 20Pendant plusieurs jours, ni le soleil ni les étoiles ne se montrèrent, et la tempête continuait de sévir avec violence : tout espoir de salut s’était évanoui.

21Depuis longtemps personne n’avait mangé. Paul, se levant alors au milieu d’eux, leur dit : “Vous auriez dû m’écouter, mes amis, ne point partir de Crète, et vous épargner ce péril et ce dommage. 22Cependant je vous exhorte à prendre courage, car aucun de vous ne perdra la vie ; le vaisseau seul sera perdu. 23Cette nuit même un ange de Dieu à qui j’appartiens et que je sers, m’est apparu, 24et m’a dit : Paul, ne crains point ; il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi. 25Courage donc, mes amis ; car j’ai confiance en Dieu qu’il en sera comme il m’a été dit. 26Nous devons échouer sur une île.”

27La quatorzième nuit, comme nous étions ballottés dans l’Adriatique, les matelots soupçonnèrent, vers le milieu de la nuit, qu’on approchait de quelque terre. 28Jetant aussitôt la sonde, ils trouvèrent vingt brasses ; un peu plus loin, il la jetèrent de nouveau, et en trouvèrent quinze. 29Dans la crainte de heurter contre des récifs, ils jetèrent quatre ancres de la poupe, et attendirent le jour avec impatience. 30Mais comme les matelots cherchaient à s’échapper du navire, et que déjà, sous prétexte d’aller jeter des ancres du côté de la proue, ils avaient mis la chaloupe à flot, 31Paul dit au centurion et aux soldats : “Si ces hommes ne restent pas dans le navire, vous êtes tous perdus.” 32Alors les soldats coupèrent les amarres de la chaloupe, et la laissèrent tomber.

33En attendant le jour, Paul exhorta tout le monde à prendre de la nourriture : “Voici, leur dit-il, le quatorzième jour que, remplis d’anxiété, vous restez à jeun sans rien prendre. 34Je vous engage donc à manger, car cela importe à votre salut ; aucun de vous ne perdra un cheveu de sa tête.” 35Ayant ainsi parlé, il prit du pain, et après avoir rendu grâces à Dieu devant tous, il le rompit et se mit à manger. 36Et tous, reprenant courage, mangèrent aussi. 37Nous étions en tout, sur le bâtiment, deux cent soixante-seize personnes. 38Quand ils eurent mangés suffisamment, ils allégèrent le navire en jetant les provisions à la mer.

39Le jour étant venu, ils ne reconnurent pas la côte ; mais ayant aperçu une baie qui avait une plage de sable, ils résolurent de faire échouer le navire, s’ils le pouvaient. 40On coupa donc les amarres des ancres, qu’on abandonna à la mer ; on lâcha en même temps les attaches des gouvernails, on mit au vent la voile d’artimon[2] et on se dirigea vers la plage. 41Mais ayant touché sur une langue de terre, ils y échouèrent ; la proue s’enfonça et resta immobile, tandis que la poupe se disloquait sous la violence des vagues.

42Les soldats furent d’avis de tuer les prisonniers, de peur que quelqu’un d’entre eux ne s’échappât à la nage. 43Mais le centurion, qui voulait sauver Paul, les empêcha d’exécuter leur dessein. Il ordonna à ceux qui savaient nager de se jeter à l’eau les premiers et de gagner la terre, 44et aux autres de se mettre sur des planches ou sur des débris du vaisseau. Et ainsi tous atteignirent le rivage sains et saufs.


2. Paul à Malte (xxviii (1-10). Excellent accueil des habitants (1-4). Épisode de la vipère (5-6). — Prodiges opérés par l’Apôtre (7-10).

Une fois sauvés, nous reconnûmes que l’île s’appelait Malte. Les barbares nous traitèrent avec une bienveillance peu commune ;[3] 2ils nous recueillirent tous autour d’un grand feu qu’ils avaient allumé, à cause de la pluie qui était survenue, et du froid. 3Paul ayant ramassé quelques broussailles et les ayant jetées dans le brasier, une vipère, que la chaleur en fit sortir, s’attacha à sa main. 4En voyant ce reptile qui pendait à sa main, les barbares se dirent les uns aux autres : “Sans aucun doute, cet homme est un meurtrier ; car, après qu’il a été sauvé de la mer, la Justice divine n’a pas voulu le laisser vivre.” 5Lui, cependant, secoua la vipère dans le feu et n’en ressentit aucun mal.

6Les barbares s’attendaient à le voir enfler ou tomber
  1. 17. Ceintrèrent, c’est-à-dire ceignirent par-dessous à l’aide de cables et de chaînes.
  2. 40. Voile d’artimon : la mâture de beaupré, la voile de misaine.
  3. XXVIII, i. Les barbares, les habitants de Malte d’origine punique, ne parlaient ni le latin ni le grec, mais le phénicien, ce qui suffisait, au point de vue d’un sujet de l’empire romain, pour leur donner ce nom.