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Dans le courant de l’été le roi Harald se rendit dans les « Hautes-Terres » et, en automne, à Valdres, dans l’Ouest, et même jusqu’à Vors. Ölvir Hnufa l’accompagnait et s’entretenait fréquemment avec lui pour savoir s’il consentait à racheter la mort de Thorolf et à accorder à Kveldulf et à Skallagrim une amende pécuniaire ou quelque avantage honorifique dont ils pourraient se déclarer satisfaits[1]. Le roi ne s’y refusa pas absolument, à condition que le père et le fils vinssent le trouver. Là-dessus Ölvir se mit en route pour se rendre aux Firdir, dans le Nord, et ne s’arrêta que lorsqu’il arriva, un soir, chez Kveldulf et son fils. Ceux-ci l’accueillirent avec reconnaissance et il demeura quelque temps auprès d’eux. Kveldulf demanda à Ölvir des informations précises au sujet des événements survenus à Sandnes, au cours desquels Thorolf trouva la mort ; il voulait savoir aussi s’il s’était comporté glorieusement avant de mourir, qui avait levé l’arme contre lui, qui lui avait fait les plus graves blessures et de quelle manière il avait succombé. Ölvir répondit à toutes ses questions, disant que le roi Harald lui avait causé la blessure qui devait entraîner la mort et que Thorolf était tombé la tête en avant, aux pieds du roi.

Alors Kveldulf répondit : « Tu as bien parlé ; des vieillards, en effet, m’ont dit que tout homme doit être vengé, qui tombe la tête en avant et que la vengeance atteindra ceux qui se tenaient devant lui au moment de sa chute ; cependant il n’est guère probable que pareil bonheur nous soit réservé. » Ölvir dit à Kveldulf et à son fils que, s’ils voulaient aller trouver le roi et solliciter une compensation, ils feraient, selon son idée, une démarche honorable. Il les engagea à tenter cette démarche et il insista beaucoup. Kveldulf objecta que, vu son grand âge, il n’était plus à même d’aller nulle part. « Je resterai à la maison, » dit-il.

« Veux-tu faire le voyage, Grim ? » demanda Ölvir. « Il me semble, » répondit Grim, « que je ne peux rien y faire ; le roi ne

  1. Le meurtre d’un homme libre, ou l’offense qui lui était faite, suivant l’ancien droit germanique, pouvaient se racheter par une compensation en argent ou en nature (wergeld) ; elle variait d’après le rang social de la victime et selon le pouvoir et l’influence que celle-ci exerçait de par ses relations de famille.