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que vous avez vu la grande foule qu’on y avait rassemblée. On m’a dit aussi que vous mainteniez constamment toute votre escorte sous les armes et que vous faisiez faire bonne garde nuit et jour. »

Le roi lui lança un regard et dit : « Comment peux-tu dire pareille chose, Harek, et qu’est-ce que tu en sais pour parler de la sorte ? » Harek répondit : « Puis-je, avec votre permission, ô roi, dire ce que bon me semble ? » « Parle, » dit le roi. « Voici ce que je pense, » reprit Harek, « si vous entendiez, ô roi, toutes les paroles que les gens, dans leur sincérité, disent chez eux à propos de la tyrannie que, à leur avis, vous exercez contre toute la population, vous n’en jugeriez pas favorablement. Et voulez-vous savoir la franche vérité, ô roi ? Pour se soulever contre vous, il ne manque au peuple rien d’autre que l’audace et un chef. Cela n’est d’ailleurs pas étonnant, » continua-t-il, « de la part d’un personnage du tempérament de Thorolf, qui se croit supérieur à n’importe qui. Il ne lui manque ni la force ni la beauté ; il est entouré d’une escorte tout comme un roi ; il dispose d’une grande quantité d’argent, n’eût-il que celui qui lui appartient en propre, et, ce qui est plus grave, il fait personnellement usage de biens qui ne sont pas à lui. Vous lui avez octroyé des apanages considérables. Or, il était à craindre qu’il ne vous payât d’ingratitude ; car, pour vous dire toute la vérité à ce sujet, en apprenant que vous partiez pour le Halogaland avec votre suite qui ne comptait pas plus de trois cents hommes, les gens de la région prirent la résolution de concentrer une armée en ces lieux et de vous mettre à mort, vous, le roi ! et tout votre entourage. À la tête de la conspiration se trouvait Thorolf à qui l’on avait fait entrevoir l’obtention de la dignité royale sur le peuple du Halogaland et du Naumudal. Il explora chaque fjord dans tous ses recoins et contourna toutes les îles, réunit tous les hommes qu’il pouvait recruter et toutes les armes, et ce n’était un secret pour personne que cette armée était destinée à marcher contre le roi Harald pour lui livrer bataille. Mais, bien que votre escorte ait été un peu moins nombreuse au moment où la rencontre allait se produire, je vous le dis en vérité, ô roi, dès qu’ils virent vos bateaux s’approcher, ces rustres de paysans furent saisis de frayeur. Dès lors, on prit le