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Alors Egil dit cette strophe :

Tu le sais, lorsque je pars avec quatre hommes,
Il n’y en pas six
Qui puissent croiser avec moi
Les épées rougies dans le sang.
Mais lorsque j’en ai huit avec moi,
Douze ennemis ne feront pas
Que mon cœur à moi, l’homme aux noirs sourcils,
Tremble, quand les glaives sont tirés.

Thorfinn et les siens résolurent donc de s’en aller avec Egil dans la forêt ; ils étaient alors huit en tout. Arrivés à l’endroit où l’embuscade était dressée, ils y aperçurent quelques hommes. Les domestiques d’Armod, qui étaient assis là, voyant venir à eux huit hommes, jugèrent que le moment n’était pas venu de les attaquer et se dissimulèrent plus loin dans la forêt. Or, quand Egil arriva à l’endroit que les espions avaient occupé, il remarqua qu’il y avait là quelque chose de suspect. Il engagea Thorfinn et ses hommes à rebrousser chemin ; mais ceux-ci insistèrent pour l’accompagner plus loin. Cependant, Egil n’y consentit point et les invita à rentrer chez eux. C’est ce qu’ils firent. Ils retournèrent donc, tandis qu’Egil et ses amis poursuivirent leur route. Ils étaient alors quatre en tout. À l’approche de la nuit, ils s’aperçurent de la présence dans la forêt de six individus en qui ils crurent reconnaître les domestiques d’Armod. Les embusqués sortirent de leur retraite, se lancèrent au-devant d’eux et les attaquèrent. Au cours de la lutte, Egil en abattit deux ; les survivants se réfugièrent dans la forêt. Là-dessus, Egil et ses amis continuèrent leur marche en avant, et il ne se passa rien d’autre. Ils sortirent ainsi de la forêt et acceptèrent l’hospitalité de la nuit chez un propriétaire du nom d’Alf, que l’on surnommait Alf le Riche. C’était un homme âgé, possédant une grande fortune, un original qui ne voulait pas avoir de serviteurs autour de lui, si ce n’est quelques-uns, en petit nombre. Un bienveillant accueil y fut réservé à Egil, et Alf s’entretenait volontiers avec lui. Egil demanda une quantité de renseignements, et Alf lui raconta tout ce qu’il désirait savoir. Ils causèrent très longtemps du jarl et des messagers du roi de Norvège, qui jadis étaient partis dans la direction de l’est, pour recueillir le tribut. Alf, à en juger par son langage, n’était pas ami du jarl.