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tellement abondante qu’il n’était plus guère possible de reconnaître les chemins. Le lendemain, ils n’avancèrent qu’avec lenteur, parce qu’on enfonçait profondément, dès que l’on s’écartait de la voie. Au déclin du jour, ils s’arrêtèrent et donnèrent à manger à leurs chevaux. C’était à proximité d’une crête de montagne boisée.

Alors les envoyés dirent à Egil : « C’est ici que nos chemins se séparent. Au pied de la colline que voici habite un propriétaire du nom d’Arnald ; c’est notre ami. Nous, tes compagnons, nous irons chez lui pour y passer la nuit. Quant à vous, vous monterez sur la hauteur que voilà. Quand vous l’aurez franchie, vous remarquerez aussitôt devant vous une vaste ferme où vous trouverez une hospitalité sûre. Là habite un homme excessivement riche, qui s’appelle Armod Skegg. Demain, au point du jour, nous nous retrouverons et, vers la soirée, nous arriverons à la forêt de Eid, où demeure un excellent propriétaire appelé Thorfinn. »

Là-dessus, ils se quittèrent. Egil et les siens gagnèrent les hauteurs. Quant aux hommes du roi, il faut dire que, sitôt qu’ils eurent perdu de vue Egil, ils prirent les patins dont ils s’étaient munis et se les attachèrent. Ensuite, rebroussant chemin avec toute la hâte possible, ils voyagèrent nuit et jour dans la direction des « Hautes-Terres » ; de là, ils se portèrent vers le nord par les monts Dofra et ne s’arrêtèrent pas avant d’avoir rejoint le roi Hakon, à qui ils racontèrent les péripéties de leur voyage. Egil et ses camarades franchirent les hauteurs pendant la nuit. Il faut se hâter de dire que, tout de suite, ils perdirent le bon chemin. Il était tombé beaucoup de neige. Presqu’à chaque pas, les chevaux s’y enfonçaient, à tel point qu’on devait les tirer dehors. Il y avait là des montées pénibles et des bois encombrés de broussailles, et il était excessivement difficile de franchir les fourrés et les crêtes rocheuses. Ils subirent un retard considérable à cause des chevaux, et les hommes mêmes n’avançaient qu’avec une peine infinie. Ils se fatiguèrent beaucoup. Néanmoins, ils passèrent la crête de montagnes et à leurs regards apparut une vaste ferme, vers laquelle ils dirigèrent leurs pas. Arrivés dans l’enceinte, ils remarquèrent des hommes debout devant l’habitation ; c’était Armod avec ses domestiques. Ils engagèrent la conversation et, de part et d’autre, on se demanda des nouvelles.