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circonstances. Il est venu me trouver une fois, et je lui ai dit que je ne lui permettrais pas de séjourner en Norvège, pour des raisons qui vous sont d’ailleurs connues. Il ne faut donc pas qu’il m’adresse des réclamations du genre de celles qu’il a fait valoir auprès de mon frère Eirik. Quant à toi, Arinbjörn, je dois te dire que tu ne peux rester en ce pays qu’à la condition que tu n’estimes pas un étranger plus que moi-même ou mes paroles ; car je sais que tes sympathies sont acquises au fils d’Eirik, Harald, que tu as élevé. Le meilleur parti que tu aies à prendre, c’est d’aller trouver les frères[1] et de rester auprès d’eux, attendu que je ne suis guère rassuré sur l’assistance que me prêteront des gens comme toi, le jour où il s’agira de les éprouver à propos de nos démêlés avec les fils d’Eirik. »

En présence de l’accueil défavorable que le roi fit à ses propositions, Arinbjörn comprit qu’il ne servirait à rien d’entamer des pourparlers avec lui. Il se disposa donc à regagner sa demeure. Le roi était tant soit peu irrité et en voulait à Arinbjörn depuis qu’il connaissait ses desseins. Arinbjörn n’était pas d’humeur non plus à s’humilier devant le roi dans les circonstances présentes. Là-dessus, ils se quittèrent. Arinbjörn retourna chez lui et fit connaître à Egil le résultat de son intervention. « Jamais plus je n’entreprendrai de semblables démarches auprès du roi. »

Egil fut très mécontent de cette déclaration. Il se jugeait frustré d’une grande fortune, en dépit de tout droit. Peu de jours après, se trouvant un matin de bonne heure dans son habitation en présence d’un petit nombre de personnes, Arinbjörn fit appeler Egil ; et, quand celui-ci fut présent, il fit ouvrir un coffre d’où il retira quarante marcs d’argent en disant : « Cette somme, Egil, je te la paie pour les propriétés qui ont appartenu à Ljot le Pâle. Il me semble équitable que nous, parents de Fridgeir, nous t’offrions cette récompense, pour le fait d’avoir sauvé sa vie des mains de Ljot. Or, je sais que tu as agi de la sorte par sympathie pour moi. Voilà pourquoi il est de mon devoir d’intervenir pour que tu ne sois pas frustré de tes droits dans l’affaire en question. Egil accepta l’argent et remercia Arinbjörn. Il retrouva alors toute sa bonne humeur.

  1. C’est-à-dire Harald et les autres fils d’Eirik.