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que n’importe qui avait le droit de provoquer un autre en duel, soit qu’il eût à se défendre contre une accusation, soit qu’il voulût en formuler une.

Atli dit qu’il ne refusait point de se rencontrer en champ clos avec Egil, « car tu exprimes ce que j’avais l’intention de dire : que j’ai à venger sur toi des offenses en grand nombre. Tu as couché par terre mes deux frères et il s’en faudra de beaucoup que j’aie obtenu justice, si, contre tout droit, je t’abandonne mes possessions, plutôt que de me battre contre toi, comme tu me le proposes. »

Sur ces mots, Atli et Egil se serrèrent les mains et prirent l’engagement mutuel d’aller en duel. Celui qui serait vainqueur obtiendrait les biens qui formaient l’objet du litige. Ensuite, ils s’apprêtèrent au combat. Egil s’avança, le casque sur la tête, tenant le bouclier devant lui et la lance à la main. Quant à l’épée, il l’avait attachée à son bras droit. C’était, chez ceux qui se battaient en duel, une coutume, pour n’être pas obligés de tirer l’épée pendant la lutte, de la suspendre plutôt au bras, de manière que l’on eût vite fait de la saisir, quand on voulait. Atli portait le même équipement qu’Egil. Il avait l’habitude des combats singuliers. C’était un homme robuste et fort courageux. En ce moment, on amena un grand et vieux taureau. On appelait cela l’animal du sacrifice. Il devait être abattu par celui qui remporterait la victoire. Parfois, il n’y avait qu’une victime, d’autres fois chacun des combattants se faisait amener la sienne. Dès qu’ils furent prêts à engager la lutte, ils coururent l’un sur l’autre, d’abord frappant à coups de lance ; mais aucune des piques ne resta fixée dans le bouclier ; toutes deux s’enfoncèrent dans le sol. Là-dessus, saisissant leurs épées, ils s’attaquèrent à grands coups. Atli ne recula pas d’un pas. Ils frappèrent vite et dur, et bientôt les boucliers furent hors d’usage. Aussi, lorsque son bouclier ne lui fut plus d’aucun secours, Atli le jeta, prit l’épée des deux mains et frappa coup sur coup. Egil l’atteignit à l’épaule, mais l’arme ne mordit point. Il frappa une deuxième et une troisième fois. Il lui était facile de porter des coups à Atli, qui n’était plus protégé. Egil brandit l’épée de toutes ses forces ; mais il eut beau frapper dans tous les sens, elle ne mordit pas. En ce moment, voyant que son bouclier aussi