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pas avec son entourage, se porta sur les lieux où s’était livré le combat et y trouva son frère Thorolf mort. Il releva le cadavre et lui fit sa suprême toilette[1], comme c’était la coutume. On creusa une tombe et on y déposa Thorolf avec toutes ses armes et ses vêtements. Ensuite, avant de se séparer de lui, Egil lui init une bague d’or à chaque main ; puis on plaça des pierres sur lui et l’on y jeta de la terre. Alors, Egil dit cette strophe :

Le héros qui tua le jarl,
Sans reculer devant rien,
Se lança bravement dans l’horrible mêlée.
Le valeureux Thorolf tomba.
La terre, près de la Vina, verdit
Sur mon brillant frère.
Je pleure sa mort ;
Mais il faut que je cache ma tristesse.

Et il continua :

De monceaux de cadavres j’ai jonché, dans l’ouest,
La terre, devant les hampes des étendards.
Terrible fut la bataille,
Où j’accablais Adils de ma Nad[2] aux reflets bleus.
Le jeune Aleif, contre les Anglais,
Soutint une lutte acharnée.
Hring eut fort à faire dans la mêlée des armes.
Les corbeaux n’eurent pas faim.

Ensuite, Egil s’en alla, avec son escorte, rejoindre le roi Adalstein et se présenta aussitôt devant lui. Celui-ci était occupé à boire. Il y avait là grande rumeur. Sitôt que le roi vit qu’Egil venait d’entrer, il donna l’ordre de céder aux nouveaux venus le banc inférieur et fit asseoir Egil sur le siège d’honneur, en face de lui. Egil y prit place et déposa son bouclier à ses pieds. Il avait le casque sur la tête et sur ses genoux il tenait son épée, que tour à tour il tirait à mi-longueur pour la repousser ensuite dans le fourreau. Il était assis tout droit, lançant autour de lui des regards sombres. Egil avait la figure large, le front vaste, des sourcils touffus, le nez assez court mais particulièrement

  1. V. p. 20, n. 1.
  2. De mon épée appelée Nad (Vipère).