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du nom de « rayonnante porteuse de bagues » et qu’il se décerne le titre de « nourrisseur des aigles », il parle un langage intelligible et en harmonie avec l’essence d’une poésie vraie et naturelle, mais qui n’exclut ni l’énergie ni le pittoresque.

Si les chants de Fridthjof avaient été improvisés — comme d’aucuns prétendent (cf. A. Jäcklein : Die Fridthjofsage, p. 6) — lors de la mise par écrit de la saga, s’ils étaient nés à l’époque qui vit éclore les productions scaldiques dont nous venons d’esquisser le caractère et la teneur, par quel miracle se seraient-ils préservés de cette influence néfaste du mauvais goût qui régnait en maître dès le xiiie siècle ?

Une dernière raison qui milite en faveur de la haute ancienneté de ces strophes dérive de leur forme métrique, de leur structure. Trente-quatre strophes ou fragments de strophes, parmi les trente-cinq que contient la saga, sont écrites dans le Fornyrdislag (littér. : la manière de l’ancien vers). Chacune d’elles se compose de huit vers ; chaque vers a quatre syllabes et ces vers sont reliés deux à deux par l’allitération[1]. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine ces strophes étaient exclusivement destinées à être chantées dans les réunions, souvent avec accompagnement de musique ; cette poésie devait avant tout frapper l’oreille. À voir ces vers, on croirait que le versificateur

  1. Exemple :

    Menn sé ’k ausa
    i meginvedri
    sex á Ellida
    en sjau róa.
    That er gunnhvötum
    glikt i stafni
    Fridthjófi, er fram
    fellr vid árar. (str. 19)