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véritable dédain à l’égard du ton populaire, simple et naturel des traditions nationales, des vénérables sagas dont s’étaient délectés les ancêtres. C’est l’époque des Riddararsögur[1]. Or, la saga de Fridthjof est restée complètement à l’abri de l’influence de l’élément romantique ; elle a conservé intacte cette simplicité énergique, cette poignante brièveté, cet accent de vérité, cette allure essentiellement épique qui fait le charme et la valeur des vrais récits populaires. La langue, les images, les situations prouvent qu’elle plonge ses racines jusqu’au fond du vieux paganisme scandinave et qu’elle est née bien avant l’époque qui marque la regrettable corruption du goût que nous avons signalée. Si elle avait été composée au xive siècle en Islande, comme pense l’historien P. A. Munch (Det norske folks historie A), si elle n’avait pas été mise par écrit exclusivement d’après de vieilles traditions populaires, l’auteur ne lui aurait-il pas imprimé le ton de ces Lygisögur (« sagas menteuses ») qui fleurirent à la fin de la grande époque littéraire d’Islande et qui regorgent de détails fabuleux et d’épisodes d’un merveilleux « fade et rebutant » ? Rien de semblable ne se trouve dans la saga de Fridthjof ; car ce qu’elle raconte de la puissance des sorcières n’est qu’un trait emprunté aux antiques superstitions populaires. Falk et Lársson ne citent aucun fait positif pour prouver d’une façon irrécusable le bien fondé de leurs suppositions. Aussi, sans prétendre trancher nettement cette question, nous est-il permis de croire que l’histoire de Fridthjof a été mise en

  1. Ces « sagas de chevalerie » sont de véritables romans. Telles p. ex. la Thidreks saga, la Karlamagnus saga, la Alexanders saga, la Trójumanna saga, la Parcevals saga, la Flores saga ok Blankiflúr, la Ívens saga, etc. Ces deux dernières ont été nouvellement éditées par E. Kölbing dans l’Altnord. Saga-Bibl., à Halle).