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L’essence profondément païenne de la saga de Fridthjof est indéniable. Mais, au cours des siècles, pendant le temps qu’elle a vécu à l’état de tradition orale sur les lèvres du peuple, ne dirait-on pas qu’elle a subi quelque peu l’influence bienfaisante des idées nouvelles que le christianisme est venu répandre dans le Nord à partir du xe siècle ! Cette idée que la bonté doit trouver sa récompense et la perversité sa punition, n’est-elle pas absolument en harmonie avec l’idéal chrétien ! Fridthjof, le guerrier rude, mais bon et juste, obtient, comme prix de ses luttes longues et périlleuses, la dignité royale dans une région de Scandinavie[1]. Helgi et Halfdan, qui incarnent le mauvais principe de la saga, recueillent le juste châtiment de leurs noirs forfaits : Helgi, le premier artisan des sombres complots tramés contre la vie de leur adversaire, trouve la mort sur le champ de bataille ; Halfdan, moins coupable que son frère aîné, est réduit à la condition de hersir et doit payer tribut à son vainqueur. Au chapitre xii, Fridthjof — trait caractéristique — exprime sa ferme confiance en sa victoire prochaine, en se basant sur la justice de sa cause.

Le style, sauf le ton et l’aspect spécial des strophes dont il sera parlé plus loin, est, à peu de chose près, celui de toutes les sagas. Il est simple, sobre et clair, naturel et énergique, naïf sans devenir plat ou banal, exempt de toute espèce d’ornement. Le narrateur exprime sa pensée sans détours, sans recherche ni affectation, évitant les embellissements, les descriptions et les peintures inutiles ; il n’y a dans son langage aucune de ces paroles étudiées, aucun de ces tours de phrases ingénieux destinés à pro-

  1. Hingariki, selon notre saga et les rímur ; Svithjód (un territoire de la Suède actuelle), d’après une autre rédaction de la saga.