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lisés. Ce sont des types, ou foncièrement bons comme Fridthjof, ou exclusivement mauvais comme Helgi. Quant à Ingibjörg, elle garde d’un bout à l’autre une attitude apathique et son influence sur le développement de l’action est insignifiante. À cet égard, la saga est inférieure à plusieurs autres du même genre. Elle ne peut, par exemple, soutenir la comparaison avec celle de Gunnlaug Langue de Serpent qu’elle rappelle par certains côtés. En revanche, elle la surpasse par son allure dramatique se traduisant dans les nombreux dialogues qui font le mieux connaître la manière de penser et de sentir du Scandinave et révèlent si bien son tempérament spécial, avec ses qualités et ses défauts ; elle la surpasse par la fraîcheur et l’animation qui résultent de ce mélange habile et continuel du récit et du dialogue ; elle la surpasse enfin par ses tableaux de mœurs de la vieille société scandinave.

Toutes les sagas, ou peu s’en faut, nous ont été transmises sous le voile de l’anonyme. Les sagamenn n’en sont pas les auteurs ; la matière ne leur appartient pas ; leur tâche se bornait à coordonner et à mettre par écrit ce que l’on se racontait de vive voix parfois depuis deux siècles. Ne nous étonnons donc pas si le « rédacteur » de la saga de Fridthjof n’a pas révélé son nom. Il faut croire que c’était un Islandais, l’Islande étant devenue, par suite de l’émigration norvégienne provoquée par la tyrannie du roi Harald, la terre hospitalière où la civilisation scandinave a pu continuer à se développer libre de toutes entraves et à l’abri des vicissitudes de la politique. C’est dans cette île lointaine que la littérature du Nord a pris son magnifique essor et c’est là que l’on a pu consigner sur le parchemin, pour les préserver de l’oubli, un grand nombre de ces belles traditions poétiques et historiques importées, comme l’histoire de Fridthjof, de la mère-patrie.