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La reine devint rouge pourpre, lorsqu’elle vit le précieux anneau ; et cependant elle ne voulut échanger aucune parole avec l’étranger. Mais le roi était fort joyeux en présence de Thjof et lui dit : « C’est un magnifique anneau que tu as au bras, et pour le gagner tu auras dû brûler du sel pendant longtemps ».

Il répondit : « C’est là tout ce que j’ai hérité de mon père ».

« Il est possible », reprit le roi, « que tu ne possèdes pas davantage, et peu de brûleurs de sel, je pense, te valent, à moins que la vieillesse ne m’ait par trop affaibli la vue ».

Thjof passa l’hiver en ces lieux, entouré de soins empressés et jouissant de l’estime de tous les hommes. Il se montra généreux avec son argent et aimable envers tout le monde. La reine parlait peu avec lui ; mais le roi était constamment de joyeuse humeur en sa présence. On rapporte qu’un jour le roi devait se rendre à un festin[1] avec la reine et une suite nombreuse. Il dit à

  1. En isl. veizla [de veita, 1° accorder (cf. all. erweisen), 2° régaler]. L’institution de ces festins se rattache à une particularité du système féodal introduit dans les pays scandinaves au xie siècle. La collation d’un domaine de la couronne (veizlujörd) imposait au bénéficiaire l’obligation de la veizla, c.-à-d. la remise d’un tribut en argent et en nature. Quand le roi rendait visite aux riches propriétaires et aux ármenn (de ár = revenu annuel), c.-à-d. à ceux qui administraient ses domaines personnels, un somptueux banquet devait lui être offert. Ainsi se fait-il que les rapports de ces feudataires d’un genre spécial avec la royauté se traduisaient par l’organisation de ces nombreux et splendides festins dont parlent les sagas. Les veizlur, de ce fait, ont pris le sens plus étroit de banquets. Les uns avaient lieu à époque fixe, surtout vers Noël (jólabod, jólaveizla, jóladrykkja), les autres, à l’occasion d’événements fortuits. À l’origine, c’était pour le roi une occasion