« Je suis assez âgé maintenant », dit le roi, « pour pouvoir indiquer leurs places aux convives[1]. Ôte ton manteau, étranger, et prends place à coté de moi ».
La reine répondit : « Tu agis comme un vieillard faible d’esprit en faisant asseoir des mendiants à tes côtés ».
Thjof dit : « Cela ne convient pas, seigneur ; il vaut mieux faire comme le veut la reine, car je suis plus habitué à « brûler du sel » qu’à m’asseoir auprès des chefs ».
Le roi reprit : « Fais comme je désire ; car cette fois-ci je veux commander ».
Thjof se débarrassa de son manteau. En-dessous il portait un habit bleu foncé et avait au bras le précieux anneau. Sa taille était serrée dans une grosse ceinture d’argent[2] à laquelle était attachée une grande bourse[3] contenant des pièces d’argent sonnantes[4] ;
- ↑ C’est-à-dire : je ne suis plus un enfant et possède assez de bon sens et d’expérience pour être juge de mes actes. C’est une réprimande non déguisée à l’adresse de son épouse qui, d’ailleurs, lui renvoie sans hésiter une réponse très peu aimable.
- ↑ De lourdes ceintures d’argent souvent garnies d’or ou de pierres précieuses, quelquefois luxueusement ciselées, constituaient une parure très recherchée que l’on étalait avec un orgueil non dissimulé.
- ↑ C’étaient des poches faites de cuir, de toile, d’étoffes de laine ou de soie.
- ↑ Primitivement, comme moyen d’échange et comme base d’évaluation d’un objet ou d’une marchandise, on ne possédait autre chose que la tête de bétail. Le mot fè signifie à la fois bétail et argent
spécialement désignés à cet effet. — On comprend que le premier venu n’ait pas été admis à parler au roi. Il se passait souvent plusieurs semaines avant que celui-ci accordât sa première audience. Hrút (saga de Nial, ch. 3 ; v. trad. fr. de R. Dareste, Paris 1896, p. 6-7) dut attendre un demi mois avant d’être admis à la cour du roi Harald gráfeldr (H. à la peau grise, † vers 969).