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Parmi la quantité prodigieuse d’œuvres en prose que nous a léguées l’antiquité scandinave, la saga de Fridthjof jouit d’une popularité exceptionnelle. Cette vogue, qui date de la fin du xviiie siècle, a grandi dans des proportions étonnantes depuis le jour où Isaïe Tegnér publia sa magistrale composition en vers (1825)[1]. Grâce à l’admirable talent évocateur du poète suédois, le héros du ixe siècle appartient depuis longtemps à la littérature européenne. Les éditions et les traductions de l’antique création des scaldes se sont succédé avec une rapidité surprenante dans les pays de langue germanique[2]. Les écrivains, les poètes, les peintres se sont emparés du sujet à la suite de Tegnér et ont célébré à l’envi les plus intéressantes péripéties de l’existence mouvementée de Fridthjof. Cependant ce n’est plus le Fridthjof de l’ancien temps que nous présente Tegnér. Nous retrouvons le héros considérablement rajeuni et modernisé, revêtu du costume du xixe siècle et exhalant ses sentiments plutôt romantiques dans des chants d’une tendresse infinie et d’une beauté poétique supérieure. À cause du sentimentalisme qui s’y trouve répandu à profusion, les tableaux du poète moderne, malgré leur variété, leur pittoresque et leur grandeur, ne cadrent que d’une manière très imparfaite avec la vie du haut moyen âge scandinave. Le véritable Fridthjof est tout autre. Si l’on veut connaître, dans sa manière de penser et d’agir, ce type du viking au

  1. Il en sera question plus loin.
  2. Voyez plus loin la bibliographie.