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avait plus moyen d’arrêter les poneys. Ils fondirent entre les poteaux de goal en un véritable tas, vainqueurs et vaincus pêle-mêle, attendu que l’allure avait été terrible. Le Chat Maltais savait, par expérience, ce qui allait arriver, et, pour sauver Lutyens, il tourna à droite d’un suprême effort qui lui claqua sans espoir de remède un tendon de derrière. Ce faisant, il entendit le poteau de goal de droite craquer, tandis qu’un poney carambolait dedans — craquer, se briser et tomber comme un mât. On l’avait scié en trois tronçons pour parer aux accidents ; mais néanmoins il renversa le poney, lequel alla donner dans un autre poney, lequel alla donner dans le poteau de gauche, sur quoi il n’y eut plus que confusion, poussière et débris. Bambou était couché sur le sol, en train de voir trente-six mille chandelles ; un poney des Archanges roula auprès de lui, haletant et furieux ; Shikast s’était assis à la façon d’un chien pour éviter de tomber par dessus les autres, et s’en allait glissant sur son petit bout de queue dans un nuage de poussière ; et Powell se trouvait aussi le derrière par terre, en train de frapper le sol de son stick et d’essayer de chanter victoire. Tous les autres criaient avec ce qui leur restait de voix, et ceux qui avaient été désarçonnés criaient tout aussi fort que les autres. Dès que la foule eut constaté que personne n’était blessé, dix mille indigènes et Anglais crièrent, applaudirent et vociférèrent à leur tour, et avant qu’on pût les arrêter, les joueurs de cornemuse des Skidars firent irruption sur le terrain, suivis de tous les officiers et soldats indigènes, et se mirent à marcher au pas du haut en bas en jouant un air sauvage du Nord, appelé Zakhmé Bagân ; et, à travers le retentissement insolent des cornemuses et les hurlements aigus des indigènes, on entendait la musique scander : For they are all jolly good fellows[1], puis, en

  1. Air populaire anglais dont, en général, on fait suivre les toasts.