Page:La Revue hebdomadaire, Octobre 1908.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

arrivaient juste, et tout juste, à éloigner la balle d’un long coup de revers retentissant. Aube Grise oublia sa qualité d’arabe, et passa du gris au bleu en galopant. À vrai dire, elle l’oublia trop bien, attendu qu’elle ne garda pas les yeux sur le terrain comme un arabe l’eût dû faire, mais allongea le nez et précipita le pas par pur amour du jeu. On avait arrosé le terrain une ou deux fois entre les reprises, et un arroseur négligent avait vidé tout le contenu de la dernière de ses outres en un même endroit, près du goal des Skidars. On allait terminer la partie, et pour la dixième fois Aube Grise se lançait à la poursuite d’une balle quand, son pied gauche de derrière glissant dans la boue grasse, elle fit plusieurs tours sur elle-même, après avoir lancé Lutyens presque contre le poteau ; et les Archanges triomphants firent leur goal. Alors la cloche sonna deux goals chacun ; mais il fallut venir au secours de Lutyens, et Aube Grise se releva avec quelque chose de claqué au postérieur gauche.

— Des avaries ? demanda Powell, un bras passé autour de Lutyens.

— La clavicule, cela va sans dire, répondit Lutyens entre ses dents.

C’était la troisième fois qu’il se la brisait en deux ans, et cela lui faisait mal.

Powell et les autres se mirent à siffler.

— La partie est fichue, déclara Hughes.

— Continuez de tenir. Nous avons encore cinq bonnes minutes, et ce n’est pas mon bras droit, dit Lutyens. Voyons-en la fin.

— Dites-moi, demanda le capitaine des Archanges qui arrivait en trottant. Êtes-vous blessé, Lutyens ? Nous attendrons, si vous désirez mettre un remplaçant. Je voudrais… je veux dire, le fait est, mes gaillards, que si jamais team mérita de gagner cette partie-ci, c’est bien vous. Je voudrais pouvoir vous donner