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team des Archanges, et lorsque Qui-Êtes-Vous aperçut les jambes élégamment bottées de ces derniers et leurs belles robes satinées, il grimaça un sourire à travers sa bride amincie par l’usure.

— Ma parole, dit-il, il faut leur faire faire un peu de football. Ces messieurs ont besoin de recevoir une frottée.

— Ne pas mordre, déclara le Chat Maltais sous forme d’avis, attendu que Qui-Êtes-Vous passait pour s’être, une ou deux fois dans sa carrière, oublié de cette façon-là.

— Qui a parlé de mordre ? Je ne joue pas les apaches. C’est le jeu que je joue.

Les Archanges s’en vinrent comme un loup sur la bergerie, car ils étaient fatigués de football et avaient soif de polo… On leur en servit, du polo. À peine s’était-on remis au jeu, que Lutyens frappa sur une balle qui s’en venait rapidement vers lui, et que cette balle, comme il arrive parfois, monta en l’air avec le bruissement d’une perdrix effarouchée. Shikast l’entendit, mais sur le moment ne put la voir, quoiqu’il regardât partout et même en l’air, comme le lui avait appris le Chat Maltais. L’ayant enfin aperçue dans le ciel et devant lui, il se précipita, avec Powell, de toute la vitesse de ses jambes. Ce fut alors que Powell, personnage d’ordinaire calme et pondéré, se trouva inspiré et tenta un coup parfois suivi de succès dans un tranquille après-midi de longue pratique. Il prit son stick des deux mains, et, se dressant tout debout sur ses étriers, frappa au petit bonheur à tour de bras dans l’air, comme on fait à Munipore. Il y eut comme une seconde de stupeur, après quoi des quatre coins du terrain partit un hurlement d’enthousiasme et de plaisir comme la balle filait droit (on eût pu voir les Archanges étonnés plonger sur leurs selles pour se tenir à l’abri de la trajectoire, tout en la regardant, la bouche ouverte),