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outre tout cela, il n’était pas un tour, pas une ruse du plus beau jeu du monde, qu’il ne connût, et au cours de deux saisons il avait enseigné aux autres tout ce qu’il savait ou devinait.

— Rappelez-vous, dit-il, pour la centième fois, au moment où les cavaliers arrivaient, qu’il nous faut jouer avec ensemble, et qu’il vous faut jouer avec votre cervelle. Quoi qu’il arrive, suivez la balle. Qui est-ce qui ouvre la marche ?

On était en train de sangler Cendrillon, Shiraz, Polaris, ainsi qu’un petit bai tout court, haut sur jambes, pourvu de jarrets formidables et d’un garrot insignifiant (on l’appelait Bouchon), tandis qu’à l’arrière-plan, les soldats regardaient de tous leurs yeux.

— Je tiens, vous autres, les hommes, à ce que vous restiez tranquilles, dit Lutyens, le capitaine du team, et surtout à ce qu’on ne fasse pas piailler les cornemuses.

— Même si nous gagnons, capitaine sahib ? demanda un musicien.

— Si nous gagnons, vous pourrez faire ce que vous voudrez, repartit Lutyens avec un sourire, tout en se glissant autour du poignet la boucle de son stick et en faisant demi-tour pour regagner sa place au petit galop.

Les poneys des Archanges, en raison de la foule bigarrée qui se tenait là, si près du terrain, se montraient un peu au-dessus d’eux-mêmes. Leurs cavaliers étaient d’excellents joueurs, mais c’était un team de joueurs hors ligne au lieu d’être un team hors ligne, ce qui n’est pas du tout la même chose. Ils avaient honnêtement l’intention de jouer avec ensemble, mais il est bien difficile pour quatre hommes, dont chacun est le meilleur du team où on l’a pris, de se rappeler qu’au polo, dût-on faire des exploits de coups de maillet ou d’équitation, rien ne vous excuse de jouer pour votre propre compte.