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Le Divin

à M. H. Houjon.

« Le mot Dieu, dit Renan, ayant pour lui une longue prescription, ce serait dérouter l’humanité que de le supprimer. »

Le mot Roi avait une prescription aussi longue, et cependant certains peuples ont réussi à s’en débarrasser sans paraître trop en souffrir. « C’est, dit l’abbé Marcel Hébert [1], d’après le type de gouvernement arbitraire, tyrannique, des barbares despotes de la Chaldée, que l’humanité primitive a conçu et que la grande majorité de l’humanité civilisée conçoit encore le gouvernement divin. Sans doute, en passant par la conscience des prophètes et du Christ, l’implacable Javeh est devenu le Père céleste ; mais que de fois, sous le père, réapparaît le despote oriental ! Aussi, l’humanité pensante proteste-t-elle énergiquement au risque de rejeter à la fois l’image et l’idée. » Et c’est pourquoi le courageux abbé croirait « commettre une faute contre la raison en n’habituant pas l’humanité, peu à peu, à une formule religieuse plus loyale et moins dangereuse dans ses conséquences pratiques, que celle du passé. » [2]

  1. Abbé Marcel Hébert : La Dernière idole, Étude sur la Personnalité divine (Extrait de la Revue de Métaphysique et de Morale, p. p. 7-8-9.
  2. Op. cit. (p. 7) Je ne crois pas inutile de mettre en parallèle avec l’opinion de ce penseur libéré de la servilité intellectuelle exigée par l’Église romaine, le passage suivant emprunté à la « Lettre pastorale de Mgr l’Évêque de Belley au clergé et aux fidèles de son diocèse » en « l’an de grâce 1902 » :

    « … Le plus petit enfant de nos écoles, la plus simple femme de la campagne, a des notions plus claires, plus certaines, sur Dieu, sur le monde, sur son âme, sur nos destinées futures, que les plus illustres philosophes.

    « La Foi m’apprend ce que c’est que Dieu. Être pur, excellent, éternel, tout puissant, infini dans son essence et dans sa perfection, il est le principe immuable de toute vérité, la source unique de l’être, par qui tout ce qui existe a été créé.

    « Elle m’explique le monde : C’est l’œuvre de Dieu qui l’a tiré du néant, qui le gouverne par les lois qu’il a établies. Avec cette notion d’un Dieu infiniment puissant, sage et bon, je me rends compte de l’ordre, de l’harmonie et de la beauté de l’univers, de la merveilleuse combinaison de ses lois, de la précision de ses mouvements, de l’admirable proportion des moyens à leurs fins et des organes à leurs fonctions.

    « Elle m’instruit sur moi-même : Mon âme est un esprit que Dieu a créé à son image immatériel, immortel, doué de raison et de liberté, uni à un corps avec lequel il compose une nature complète et une seule personne responsable de tous ses actes.