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Les Effets de l’Éducation moderne

Les écoliers doivent constamment rester assis, c’est-à-dire à peu près immobiles ; et cela ne peut avoir sur leur développement général que des effets déplorables. Les pédagogues procèdent comme s’ils croyaient que pour cultiver l’esprit de l’enfant il faut provoquer le continuel affaissement de son corps.

Ce ne sont pas les deux[1] maigres leçons de gymnastique qui se donnent chaque semaine qui prouveront le contraire de ce que j’avance. Dans ces leçons comme dans les autres le maître dit à ceux qui bougent : « Restez tranquilles ! » ; ou, plutôt, il articule d’une voix forte : « Silence dans les rangs ! » Oh ! ces rangs d’une rectitude parfaite d’où, à un signal donné, vingt jambes parallèles sortent en même temps ! Sans doute, à notre époque on parle beaucoup des bienfaits de l’éducation physique ; mais c’est dans les livres, les revues et les journaux qu’on en parle. Je connais des écoles où, pour les élèves de dix ans comme pour les autres, l’histoire est une branche essentielle et la gymnastique une branche secondaire. Content de ne pas avoir oublié tout son latin, on répète : Mens sana in corpore sano, mais on ne demande l’embellissement des âmes qu’à des cours d’histoire, de morale ou d’instruction civique et à des « résumés » de littérature. Et voilà, pourquoi, madame, votre fille, qui est myope, maladive, disgracieuse et sans joie, n’est pas muette sur le chapitre de la Pléiade ni sur celui des empereurs romains.

J’ai dit aussi que sur les bancs de l’École l’enfant s’ennuie. Il s’ennuie nécessairement parce que son devoir est d’écouter durant trois, quatre et parfois cinq leçons consécutives. Or il lui est tout à fait impossible de rester si longtemps attentif à ce qui se dit en classe. Tout ce qu’il peut faire, c’est de garder une

  1. Dans certains établissements publics les élèves reçoivent une leçon de gymnastique par semaine.