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Messaline

PREMIÈRE PARTIE[1]
III
le maître asiatique des arbres

Sed truncum forte dolatum
Arboris antiquæ numen venerare Ithyphalli
Terribilis membri, medio qui semper in horto
Inguinibus puero, prædoni falce minetur.

L. Iun. Mod. Columellæ De Re rustica, lib. X (De cultu hortorum).

Les accusateurs juridiques, lesquels déposaient leur réquisitoire entre les mains du préteur, en présence de l’accusé, après l’avoir signé et y avoir fait souscrire des adjoints, en étaient venus, sous Tibère, à transmettre secrètement à l’empereur leurs délations. Son despotisme inquiet s’accommodait d’eux et les appelait les gardiens des droits, parce qu’ils faisaient punir ceux qui y attentaient, ou par antiphrase, de même qu’on dit : les Euménides. Par de l’or ou par des promesses, il les tirait, selon ses besoins, hors de leurs retraites, comme un glaive du fourreau ; et cette comparaison était devenue courante, par laquelle le dénonciateur le plus émérite était considéré comme un glaive nu et prêt à frapper. Le plus nu de tous, et le plus cher à Messaline, et celui qu’elle avait appelé afin de supprimer légalement l’Asiatique, était un certain Publius Suilius, ancien questeur de Germanicus, jadis relégué par Tibère dans une île, pour avoir vendu un jugement.

Quand le lendemain découvrit aux yeux de Messaline sa partie délicate, qui est l’aurore, l’impératrice, contre sa coutume, ne s’endormit point et retint Claude au lit.

Et dans le cubiculum impérial, où le lit d’ivoire allait figurer le trône de justice, Publius Suilius le dénonciateur entra, à la tête de soldats, en foule plutôt qu’en troupe tant ils se pressaient confusément pour entourer quelqu’un, et s’adressa ainsi à l’empereur :

  1. Voir La revue blanche du 1e juillet 1900.