Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mule ainsi : le salaire, dans un milieu déterminé, correspond au minimum des besoins de l’ouvrier ; 2o la thèse de la concentration capitaliste croissante et accélérée qui affirme l’expropriation méthodique des petits établissements au profit des grands ; 3o celle de la valeur et de la plus-value qui explique la formation du capital par le prélèvement du patronat sur le produit du labeur salarié ; 4o puis, corrélativement, la lutte des classes, l’antagonisme de la bourgeoisie et du prolétariat : et enfin 5o, la prévision catastrophique, c’est à-dire la conviction qu’à un moment donné la société fera un saut violent dans un régime nouveau. Mais ces déductions d’ordre économique et politique se rattachent elles-mêmes à une philosophie de l’histoire, qui est la conception matérialiste et qui se définit assez exactement ainsi : l’histoire est faite des antagonismes économiques des classes ; c’est la structure économique des sociétés, l’organisation de la propriété en leur sein, qui détermine leurs modes politiques, sociaux et moraux.

Vandervelde et Van Kol ont devancé Bernstein sur un point précis : la critique de la loi d’airain des salaires. L’un la nie explicitement en alléguant la diversité et l’accroissement du prix de la main-d’œuvre ; l’autre la qualifie de « vieux fer ».

L’attaque du publiciste allemand contre le marxisme porte beaucoup plus à fond et se présente sous des aspects autrement variés. Pour lui, il aboutit à désagréger la doctrine pièce par pièce, à miner ses soubassements, et ce qui est particulier chez lui, c’est qu’il entend malgré tout rester fidèle au théoricien du socialisme.

Bernstein accepte le matérialisme historique : mais il déclare, d’autre part, que la valeur du facteur économique dans les sociétés est de plus en plus amoindrie par celle de l’idéologie. De plus en plus, la littérature, l’art se dégagent de toute relation avec la forme de la production et de la distribution des richesses. Le socialisme doit s’affranchir de l’objectivisme, de l’automatisme. Il est fils de la pensée humaine, des réflexions profondes de notre esprit, d’une notion transcendante du droit, de la justice, du mieux, — et non point le produit spontané d’un mouvement déterministe et fatal qui s’élabore lentement, obscurément au fond des choses. Si d’ailleurs la transformation intrinsèque du monde devait jaillir spontanément de cette évolution autonome qu’il porte en lui, à quoi bon nos efforts, à quoi bon notre propagande ?

Bernstein accepte la concentration des capitaux ; mais il s’empresse d’ajouter qu’elle n’est qu’une vague tendance, que les faits ne permettent guère de la dresser en théorie systématique. Par de multiples exemples puisés dans les statistiques allemandes, françaises, belges, anglaises, suisses, américaines, il prétend démontrer que les revenus de la grande bourgeoisie, de la caste supérieure grossissent bien moins vite que ceux de la bourgeoisie moyenne, de la petite bourgeoisie ou même des salariés ouvriers. La propriété, loin de se