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Œuvres inédites de l’Empereur

XXI
NOTE DE L’EMPEREUR POUR UNE DÉPÊCHE DIPLOMATIQUE

L’Empereur ne peut estimer la conduite du cabinet de St Pétersbourg ; il a cela de commun avec l’opinion des Français intelligents. Il semble que les agents de S. M. le Tzar n’aient recherché notre union que pour grandir leur importance auprès de l’Allemagne. Ainsi obtiennent-ils de l’empêtrer dans leurs manœuvres en Extrême-Orient, comme en pays balkanique, sous menace de difficultés franco-russes. À ce jeu il se pourrait que, d’un moment à l’autre, S. M. le Tzar fît volte-face, et, sacrifiant les intérêts latins à sa fortune, adhérât à la Triplice, moyennant un traité avantageux. Que S. M. l’Empereur Guillaume consente à faire garantir par les banques de Berlin l’emprunt chinois ; qu’il reconnaisse le prince Georges de Grèce pour gouverneur de la Crète, et cette volte-face s’effectue aussitôt. La vigueur de la diplomatie moscovite va ainsi forcer la main aux Allemands, menés dans son orbite. L’abandon de la France par S. M. le Tzar est le prix de cette négociation. S. M. l’Empereur d’Autriche retarde le marché en rappelant à son allié du Nord les termes d’un contrat qui l’oblige de maintenir le statu quo dans les Balkans. Elle appuie ses notes d’ambassade par la réintégration du roi Milan au pouvoir, par les opinions de sa presse officieuse qui prévoient un partage possible de la Macédoine. Dans ce partage, Salonique serait offerte aux Serbes vassaux de l’Autriche ; c’est-à-dire que les prétentions helléniques sur la Macédoine seraient absolument niées, et que les amis de Vienne se rapprocheraient singulièrement de Constantinople où les agents de St Pétersbourg parlent belliqueusement. Si cette énergie de la politique russe aboutit, l’épouvantail de la France, devenu inutile, sera mis au rancart, et notre diplomatie aura perdu son temps, comme le pays son humiliation.

Faites sentir ces raisons à M. de Montebello. Qu’il agisse. Qu’il réclame une pression plus sérieuse sur l’Angleterre pour la question d’Égypte. Cela ne gênerait en rien les desseins de l’Allemagne ou de la Russie. Ces puissances achèveront en paix d’endetter la Chine pour la gouverner bientôt sous le prétexte de régir l’acquittement de l’intérêt et l’amortissement. Après tant d’expériences, nous savons aujourd’hui que l’initiative de notre commerce et de notre industrie n’aime point le champ d’expériences colonial. Il suffit que nous gardions l’entrée du Céleste Empire, par le Tonkin au cas où cette initiative, quelque jour, se raviserait. De même, en Afrique, notre expansion soudanaise restera longtemps de la prophétie ; mais il nous faut tenir la côte méditerranéenne du Maroc à Suez, inclusivement, pour attribuer à notre richesse occidentale les mouvements de