été dans la banlieue, et j’ai rencontré des cognes, avec leur fier bicorne et leur baudrier. Je croyais que les cognes étaient plus communicatifs que les flics, qu’ils demandaient volontiers leurs papiers aux gens, et que ça les flattait de rentrer dans les chefs-lieux de canton, en poussant un vagabond captif, devant leurs solides chevaux. Hé bien, les cognes sont blasés là-dessus. Les cognes me méprisent, eux aussi.
J’ai une idée. Les agents et les gendarmes vous ont laissé aller, parce qu’il y a du vagabond en masse en ce moment, et qu’on ne peut leur donner à tous la chasse. Mais vous pourriez vous faire remarquer entre tous les autres vagabonds par un signe distinctif, une belle décoration dont le port illégal vous vaudrait six mois de prison, ou seulement trois mois, car on pourrait vous faire acquitter sur le chef de port illégal : le tribunal, qui est moins dédaigneux que les flics, vous retiendrait sûrement sur le chef de vagabondage.
Au fait, je vais essayer. J’ai connu un brave homme qui s’est fait condamner pour ça. Je vais me procurer un ruban. Où pourrais-je en trouver ?
Voyez donc chez le marchand d’habits, s’il n’en trouve pas un après quelque redingote. Il vend aussi de la mercerie d’occasion, et pourra sans doute vous donner dix centimètres de ruban rouge.
Maître Petitbondon, vous me sauvez la vie, et je vous suis très reconnaissant de la consultation. Qu’est-ce que je vous dois ?
Oh ! ce n’est rien. Trop heureux de vous être utile…
Si, si, Je tiens à m’acquitter. Je n’ai d’ailleurs rien à vous donner. Mais je prétends vous devoir quelque chose. Je vous dois quarante francs : quand j’aurai beaucoup d’argent, je vous donnerai quarante francs.
Va pour quarante francs. C’est le premier argent que je gagne. Je vais fêter cela en m’offrant un petit souper : avec les quarante francs que vous me devez, je vais me payer un souper… que je devrai au patron de l’hôtel.