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LA REVUE INDÉPENDANTE

n’est-il pas outrecuidant de demander à un homme qui croit à un au-delà l’acceptation de la lutte pour l’existence, la recherche fervente et raisonnée du bonheur terrestre, l’effort ? À celui qui voit bleuir devant lui les paradisiaques régions de la vie éternelle, qu’importent les combats de celle-ci ? S’il est logique, il se désintéressera de toutes choses, et, dans une somnolence de fakir, béat, regardera son nombril épanouir sa corolle. Sans doute, dans la pratique, cette fuite couarde devant les âpretés de l’existence, puis ce blottissement en plein rêve ne sont réalisés que par de rares individus qu’affole la béatitude chrétienne ou le nirvâna hindou. Sur la masse les doctrines spiritualistes, prudemment diluées dans un scepticisme provisoire, n’ont pas ces résultats radicaux : elles engendrent seulement dans l’esprit de leurs adeptes l’effroi malsain de l’inconnu, l’hésitation devant la vie, l’angoisse devant la mort, et comme l’énervement prostré d’une très lente excitation épidermique qui ne se résoudrait pas d’une manière effective. Elle fait des lâches ou des hallucinés. L’éducation matérialiste ferait des hommes.