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la question de l’analyse

« Vous devenez trop savant, je ne vous comprends plus ».

Je dois reprendre d’un peu plus loin. Le petit être qui vient de naître est, n’est-ce pas, une très pauvre et impuissante petite chose au regard du monde extérieur tout-puissant et plein d’actions destructrices. Un être primitif, n’ayant pas encore développé un « moi » organisé, est exposé à tous ces traumatismes. Il ne vit que pour la satisfaction « aveugle » de ses instincts, ce qui souvent cause sa perte. La différenciation d’un « moi » est avant tout un progrès en faveur de la conservation vitale. Bien entendu, quand l’être périt, il ne tire aucun profit de son expérience, mais, survit-il à un traumatisme, il se tiendra en garde contre l’approche de situations analogues et signalera le danger par une répétition abrégée des impressions vécues lors du premier traumatisme : par un « affect » d’angoisse.

Cette réaction au péril amène une tentative de fuite, condition de salut jusqu’au jour où l’être, devenu assez fort, pourra faire face aux dangers épars dans le monde extérieur de façon active, peut-être même en prenant l’offensive.

« Cela nous entraîne bien loin de ce que vous aviez promis de me dire ».


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SECOND MESSAGE Yves Tanguy

Vous ne vous doutez pas combien je suis près de tenir ma promesse. Même chez les êtres qui auront plus tard un « moi » organisé à la hauteur de sa tâche, le « moi » dans l’enfance est faible et peu différencié du « soi ». Maintenant figurez-vous ce qui arrivera quand ce « moi »sans force sera en butte à une aspiration instinctive du « soi », à laquelle il voudrait bien résister, devinant que la satisfaction en serait dangereuse, capable d’amener une situation traumatique, un heurt avec le monde extérieur, mais cela sans avoir encore la force de dominer cette aspiration instinctive. Le « moi » traite le péril intérieur émané de l’instinct comme s’il était péril extérieur ; il tente de prendre la fuite, il se retire de cette région du « soi » et l’abandonne à son sort après lui avoir supprimé tous les apports que d’ordinaire il met à la disposition des émois de l’instinct. Nous disons alors que le « moi » entreprend un refoulement, de cette aspiration instinctive. Cela a pour résultat immédiat de parer au danger, mais on ne confond pas impunément ce qui est interne et ce qui est externe. On ne peut pas se fuir. En refoulant, le « moi » obéit au principe du plaisir, que sa tâche habituelle est de modifier : il doit donc en porter la peine. La peine en sera que le « moi » aura ainsi durablement restreint son royaume.

L’aspiration instinctive refoulée est maintenant isolée, abandonnée à elle-même, inaccessible, mais aussi impossible à influencer. Elle suivra désormais ses propres voies. Le « moi » ne pourra en général plus, même lorsqu’il se sera fortifié, lever le refoulement ; sa synthèse est détruite, une partie du « soi » demeure au « moi » terrain défendu. L’aspiration instinctive isolée, de son côté, ne reste pas non plus oisive, elle trouve à se dédommager de la satisfaction normale qui lui est refusée, engendre des rejetons psychiques qui la représentent, elle se met en rapport avec d’autres processus psychiques qu’elle dérobe à leur tour au « moi » de par son influence, et enfin fait irruption dans le « moi » et dans la conscience sous une forme d’« ersatz » déformée et méconnaissable, bref, élabore ce qu’on appelle un « symptôme ».

Nous embrassons maintenant d’un coup