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poèmes
PLACE VENDÔME


La dentelle de nuit et la pluie dernière
la clef dans la folie et la main dans l’éther
le message est un morceau d’étoffe
et le messager est un cimier de casque
fier de ses plantes furieuses et des couteaux de suie
un messager plus rouge que l’iris noir
et de ses antennes une orchidée se détache
souris moi souris moi orchidée toi qui n’es que le simulacre
de mes deux bras entrecroisés
le fardeau du damier et sur le damier
une bougie qui serre les poings
« cachez une panthère il en vient deux »
sur le rebord de la prairie et des fontaines
si je dis « je sais bien que tu es là flamme de la bougie
et que tu portes des vaisseaux couleur de prairie »
alors la vitre en verre dépoli qui sépare toutes les lèvres
du crève-cœur à l’heure de chaux
la vitre se balance et devient un corbeau
juste juste toujours très juste
comme le gantelet de fer de l’oubli


LE CHÂTEAU DE CARTES


C’est plus beau que la couleur de ce gant oublié sur la mer
et dans les sillons désertiques je ne trouve plus rien
mais là bas les instruments de musique se rejoignent
dans une alcôve
dans un char carré
et c’est l’amour qui commence
avec des festons aux quatre coins
et des batailles qui n’en finissent pas
adieu merveille adieu vous n’avez pas de cœur
mais un doux peuplier sur le revers du veston
et ce n’est pas sans crier gare que ma voix arrive dans votre ville
La barque où les fantômes se suicident après une immersion prolongée dans le cadmium des sacres
la barque une m’apparaît à la porte
elle frappe de tout son ciel noir
« pâle, dit-elle, pâle plus pâle que ton épouse »
et ces dents dans le son du regard me broient
ces dents de chaîne et d’incendie
l’incendie où les femmes font la chaîne
pour empêcher de naître le neuf de pique
le page diabolique qui a une source de forêts
ce page je le connais c’est le neuf de pique
et les femmes dans la ville sont plus pauvres qu’il ne voudrait
plus pauvres que ma vengeance
et que ma furie
plus pauvres qu’un facteur qui n’a pour lui que l’abandon
sur une maison de huit étages
d’un billet d’aller et retour pour la pendaison
C’est au carrefour du chemin et de la morte
que se dresse le poteau des amoureuses
elles y viennent tous les mois cueillir la rumeur
elles se rencontrent mais ne se voient jamais
Au château de cartes l’épouvantail
le mannequin du silence
avec une armure de bruyères
avec sa flamme et son baudrier
l’épouvantail des siècles
au débouché du souterrain
il n’y a pas de labyrinthe qui tienne
toutes les ailes et toutes les clefs ouvrent les pores du château de cartes

Pierre Unik.

LE CADAVRE EXQUIS :


« L’amour mort ornera le peuple. »

« Les femmes blessées faussent la guillotine aux cheveux blonds. »

« La colombe des branches contamine la pierre lamartinienne. »

« Les étoiles sans tête, furieuses de ne plus être, tournent dans un cercle qui a pour centre le programme de cinéma plié et déplié. »

« Caraco est une belle garce : paresseuse comme un loir et gantée de verre pour ne rien faire, elle enfile des perles avec les dindons de la farce. »