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Le vrai vagabond ne repasse jamais deux fois par le même endroit.

Benoît Labre fut un des plus intéressants de ces vagabonds innocents ; cinq ou six fois, il entra à la Trappe, à la Chartreuse, mais au bout de quelques mois, de quelques semaines, il se sentait pris d’inquiétude, et il sortait, il marchait ; il vagabonda pendant trente ou quarante ans…

On a vu V. expliquer ses actes par des motifs religieux. »

Il serait vain de nommer ici un esprit médiocre dans le sentiment et la démarche, mais peu défiant des retours de l’écriture. Au point qu’en y aidant un peu, l’on découvre cette chronique.

Paul Nougé.


POÈMES


DÉFENSE DE SAVOIR


Ma présence n’est pas ici.
Je suis habillé de moi-même.
Il n’y a pas de planète qui tienne
La clarté existe sans moi.

Née de ma main sur mes yeux
Et me détournant de ma voie
L’ombre m’empêche de marcher
Sur ma couronne d’univers,
Dans le grand miroir habitable,
Miroir brisé, mouvant, inverse
Où l’habitude et la surprise
Créent l’ennui à tour de rôle.

L’aventure est pendue au cou de son rival
L’amour dont le regard se retrouve ou s’égare
Sur les places des yeux désertes ou peuplées.

Toutes les aventures de la face humaine,
Cris sans échos, signes de mort, temps hors mémoire,
Tant de beaux visages, si beaux
Que les larmes les cachent,
Tant d’yeux aussi sûrs de leur nuit
Que des amants mourant ensemble,
Tant de baisers sous roche et tant d’eau sans nuages,
Apparitions surgies d’absences éternelles,
Tout était digne d’être aimé,
Les trésors sont des murs et leur ombre est aveugle
Et l’amour est au monde pour l’oubli du monde.