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pêne de la serrure qui est cassé et qu’on est obligé de pousser avec la main pour refermer la porte.

Et, doucement, sans bruit, *** entre dans mon atelier. C’est elle à n’en pas douter. Je reconnais son visage, sa démarche, l’expression de son sourire. Je reconnais encore sa robe : une robe très reconnaissable qu’elle ne porte que dans certaines circonstances.

Elle s’approche de moi et s’asseoit à quelque distance de mon lit sur un fauteuil où j’ai posé mes vêtements avant de me coucher. Elle se pose commodément et me regarde fixement.

J’observe que je la vois aussi distinctement que s’il y avait de la lumière dans mon atelier et que la clarté de la nuit n’explique pas cette circonstance, pas plus d’ailleurs qu’une ligne phosphorescente d’un bleu assez tendre qui cerne tout son corps, non plus que le rougissement du poêle. Elle remue son pied droit qui parfois heurte le plancher qui résonne.

Combien de temps dure cette contemplation ? Je l’ignore. J’ignore même quand ma visiteuse a disparu. Je me réveille normalement au matin, assez frais et absolument persuadé de la réalité de cette visite nocturne. Mes vêtements sont toujours sur le fauteuil. Peut-être ont-ils été déplacés, mais je ne pourrais l’affirmer.


Du 16 au 25 novembre 1926.

Les apparitions se reproduisent chaque nuit avec exactitude. Je prends soin désormais de ne plus fermer la porte à clef, de ne plus embarrasser le fauteuil et de rapprocher celui-ci de mon lit. Maintenant, j’attends les visites de *** et, quand elles se produisent, elles ne me surprennent plus. Elles font partie de ma vie et occupent mes pensées pendant l’état de veille.


Nuit du 26 novembre 1926.

Cette nuit *** est venue comme d’habitude, mais au lieu de s’asseoir sur le fauteuil, elle s’est assise sur mon lit. J’ai senti la pression de son corps contre les couvertures. Elle m’a regardé, tournant parfois la tête vers le poêle dont la lueur éclairait en rouge son visage. Je note que sur sa physionomie est répandue une expression triste rompue par instant, comme dans la vie normale, par un sourire.

Elle portait cette nuit une robe que je lui connais bien, rouge et noire, et dont je me souviens de lui avoir fait compliment.


André Masson

Nuits du 26 novembre 1926 au 15 décembre 1926.

Elle est revenue régulièrement toutes ces nuits. Elle s’est assise tantôt sur le fauteuil, tantôt sur le lit, tantôt sur le tapis devant le feu. J’ai remarqué dans la nuit du 14 décembre qu’elle a toussé à deux reprises. Dans la nuit du 15 décembre, accroché à son épaule, il y avait un morceau de