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LA MER MORTE LA FUITE La fuite, deux, qui s’en vont comme <;a ou autrement trouvent toujours, dans n’importe quelle ville du monde, un réduit ruuge, vert ou marron qu’on nomme bar, café ou tratoria et où il est vraiment bon de s’asseoir. A ce moment il n’y a pas à hésiter. Edgard n’hésite pas. 11 s’asseoit et boit de brèves gorgées d’alcool. On dit que l’ivresse est bleue. Mais la chaleur, mais le repos, mais la musique ? On ne peut pas compter toutes les couleurs. Il boit. Sa lèvre est humide, ses yeux secs. 11voit. Il voit parce qu’il regarde. Cela n’est pas si facile qu’on l’imagine. Edgar regarde. Il vient de recevoir en plein sur la gueule un coup dur. Là-bas dans le coin, une femme l’unie. Elle a une fleur couchée devant elle sur la table. On dit que c’est un oeillet rouge. Par malheur c’est simplement une fleur qui éclate au grand jour : c’est du sang et du poivre, une odeur forte et du courage en pétales. Lui, le beau nègre, a envie de mordre. Bien ne pourra l’empêcher de se dresser d’un seul coup pour aller voir de plus près. Une femme, nom de Dieu ! Ce n’est |>as la première fois, tout de même qu’Edgar a envie d’une femme. Il le sait bien. Mais il agil toujours comme si c’était, la première fois. Ce n’est pas lui qui se met des souvenirs dans les jambes. Une fleur rouge. 11trouve cela beau comme un feu d’artifice. Une femme c’est une femme : des seins, une bouche, des hanches, un sexe et des pieds. Des pieds et des mains. La voilà la musique qui tourne dans le coeur, dans ia poitrine et qui fait frissonner un peu le ventre. La voilà celle qui ne ressemble pas à l’ivresse, ni au vertige, ni à ht tristesse. Musique nés yeux, qui brûlent et des mains raides où tremble on ne sait quelle flamme. Musique. Plus de rengaines. Edgar s’approche lentement. Déjà ses mains vont toucher cette peau qui est à la fois chaude et froide. Déjà elle est deboutdevant lui et ses genoux fléchissent un peu. 11 sait qu’elle n’est pas très lourde, un peu seulement. 11 voudrait trembler un peu et connaître ce corps qui est blanc et doux à la fois. Elle est debout devant lui déjà nue, déjà forte, plus forte que lui. Elle est blanche sous des cheveux noirs. Devant elle son oeillet ail end qu’elle le louche. Ses mains reposent près de ses cheveux. Elle regarde Edgar. Elle sourit. C’est le matin, c’est le soir qui apportent fous deux ce remerciement. La buée du jour et de la nuit recule régulièrement. C’est le