Page:La Plume - Félicien Rops et son œuvre, 1897.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Hommages poétiques à Félicien Rops

LA MESSE NOIRE

À Félicien Rops

.

Enlace moi plus fort ! que mon désir soit tel,
Qu’il prête à nos baisers une ivresse sublime !
Que ton sein soit le gouffre où le remords s’abîme ;
Prends, et brûle mon cœur sur le bûcher charnel !

Parjure du serment que je crus éternel,
Mon amour s’est pour toi grandi de tout mon crime
Et, sacrificateur aussi bien que victime,
J’ai de ton flanc divin fait mon suprême autel.

Que m’importe la mort, l’éternité future,
Dieu, l’ineffable espoir, l’indicible torture ?
Rien ne peut de tes bras me distraire un instant ;

Car en ta chair ardente où se dissout mon âme,
J’ai savouré, caresse ou brûlure de flamme,
Et le Ciel que je brave et l’Enfer qui m’attend !


José-Maria de hérédia.


FÉLICIEN ROPS.


Théâtre des Cent Croquis : Clôture, d’après l’aquarelle originale.



L’INSTANT

À Félicien Rops.

Hâte-toi de m’aimer si tu crois le pouvoir
Car je ne t’aimerai jamais comme ce soir.

Pas de mots, de serments ! Abrège !
Mieux qu’aux tremblements de ta voix
Je sentirai ton cœur au frisson de tes doigts ;
Plus que mon passé, plus que moi,
Je t’aime ce soir : demain t’aimerai-je ?

Eh oui, triste est l’amour ! Mais encor vaut-il seul
Qu’on demeure hésitant en face d’un linceul ?

Car ce n’est pas l’amour qui change,
Ce n’est pas notre cœur non plus ;
C’est l’air, c’est le parfum, le flux et le reflux
Qui désenlace les élus !…
Si j’avais un ciel, je n’aurais qu’un ange.

Car tout baiser est pur et dans chaque baiser
L’être le moins aimant se donne tout entier.

L’étreinte, l’étreinte éternelle,
Pour l’avoir, qui donc parmi nous,
Albatros ou banquiers, calmes penseurs ou fous,
Ne jetterait ses vains joujoux,
Son rêve, son or, et même son aile ?

N’y a-t-il nulle part des cieux réconfortants
Éternellement bleus sur d’éternels printemps ?

Entends tomber les heures mortes !
Si tu peux m’aimer, hâte-toi !
Le fracas du galop des pesants palefrois
M’empêche d’entendre ta voix.
Oh ! cède avant que l’ouragan m’emporte !

Étreins-moi fort et si l’ouragan survenu
Nous sépare, du moins nous nous serons connus.

Mets sur mon cœur, mets sur ma lèvre
Une empreinte de l’Infini !
Car pour marquer une âme ou le plus dur granit,
Qu’importent les ans ? Il suffit
D’un éclat de foudre ou d’un jour de fièvre.

Enclos dans un instant toutes les voluptés,
Et de cet instant bref fais notre éternité.

PAUL VEROLA.


LA FACE DE SATAN ÉCLAIRAIT LES GRIMOIRES…

À Félicien Rops

.

« Dieu est grand, car l’abîme à jamais m appartient ! »
Et pensant que, du ciel, il perdrait la mémoire,
Satan, sur son regard, ploya ses ailes noires.