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Un amer sentiment m'occupe et me retient,
Et j'ai plus de regrets de ma France latine,
Que Du Bellay privé de sa terre angevine,
Ou qu'Ovide sur le rivage cimmérien.

En vain, j'aurai pour moi les neuf Muses savantes,
Le Dieu de la musique et le Père des vers :
Au point de naviguer sur de nouvelles mers,
La volonté dans ma poitrine est défaillante.

Cependant vous cueillez aux champs de Saint-Simon
Les fruits heureux de votre noble intelligence.
Lafargue, prolongez cette belle existence,
Dont s'honore votre œuvre et s'orne votre nom.

Chantez du même cœur vos bois et vos fontaines,
Votre neige pyrénéenne et vos amours,
Et que votre destin vous retienne toujours
De tenter le hasard des rives incertaines.

Car voici que déjà le vaisseau, loin du port,
M'emporte en l'inconnu des grandes nuits marines,
Et que le vent du large apporte à mes narines
Le souffle du naufrage et l'odeur de la mort !