Et la douce Agrigente, au fleuve consacré,
Ou sentant une flamme en mon cœur inspiré,
Dans ta jeune ferveur de mes sollicitudes,
Je goûtai le nectar des divines études !
Doux pays où les dieux ont mûri mon été,
Adieu ! je vais plonger aux ondes du Léthé…
Pour la dernière fois, adieu, terre si belle,
Rejeton florissant de l’antique Cybèle !
Adieu, cité natale, air pur ! bords embaumés,
Je ne foulerai plus vos sentiers bien aimés ;
Mes yeux jamais, beau ciel, ne reverront ta gloire !
Et toi, puissant Etna, tombeau de ma mémoire,
Aux cendres d’Empédocle ouvre ton urne en feu,
Donne une paix sublime au sage. — Fais un Dieu !
Comme un son qui finit, comme un éclair qui passe,
Affranchis-moi du temps, du nombre et de l’espace ;
Et rejetant sur moi ton poids amoncelé,
Que je rentre au repos que la vie a troublé ! —
— L’abîme le reçut dans son ombre brûlante…
Et toi, qui de rosée au loin étincelante,
Souriais, amoureuse, à l’approche du Dieu,
Non, tu n’entendis rien de ce suprême adieu !
L’harmonieux concert de Téthys et d’Éole
Étouffa de ton fils la dernière parole…
Mais l’Etna bondissant et d’éclairs hérissé
Rugit comme un lion profondément blessé ;
Et rejetant, tout plein de forces inconnues,
Rochers, neiges et bois au sein des vastes nues,
Roula, comme un trésor, dans ses flots flamboyants,
Les sandales du sage en tes vallons riants !
Ô mère du poète, idéale patrie,
D’un chaud soleil dorée, — abondante et fleurie !
Île au splendide abord, aux vallons merveilleux,
Que l’océan du ciel baigne de ses flots bleus !
Oh ! que ton air est pur ! oh ! que ta plaine est belle !
Jamais au soc divin elle ne fut rebelle :
La lyre y fait germer aux sillons radieux
L’Élysée et l’Éden, les anges et les dieux,