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de majorité. Mais ensuite on se mit à l’œuvre avec ardeur. Les Pensylvaniens votèrent une subvention de 100,000 francs. Le New-Jersey en donna 50,000 et New-York 75,000. Le Connecticut envoya 500 hommes, Rhode-Island et le New-Hampshire, 600. Chacune des colonies de la Nouvelle-Angleterre équipa en outre un navire. Le Massachusetts en fournit 10 et 3,250 hommes pour sa seule part. Le commandement fut confié à un riche marchand, officier dans la milice, mais qui n’avait ni connaissances spéciales, ni expérience. Sa hardiesse prudente et son intelligence rapide y suppléèrent. Il mena à bien cette colossale entreprise. Le 17 juin, Louisbourg capitula. Quelques vaisseaux de renfort avaient été envoyés d’Angleterre, mais contribuèrent peu au succès qui fut l’œuvre d’une armée hâtivement formée et de ses chefs improvisés. Les Anglais qui s’en attribuèrent le mérite reçurent plus tard des événements un singulier démenti. Car le colonel américain Gridley apprit sous les murs de Louisbourg à diriger les batteries qui tonnèrent trente ans plus tard sur les hauteurs de Bunker-Hill, et les mêmes trompettes qui sonnèrent l’entrée des vainqueurs dans la forteresse du Cap-Breton devaient donner, ce jour-là, le signal de la charge. À la paix d’Aix-la-Chapelle (1740), Louisbourg fut rendu à la France ; cette même année, les Anglais fondèrent Halifax. La reddition de Louisbourg fut vivement ressentie en Amérique, ainsi que le refus du duc de Bedford d’autoriser, l’année qui précéda la conclusion de la paix, une expédition contre Québec. Le noble lord était plus inquiet que satisfait de l’exploit des coloniaux et se promettait d’encadrer désormais leurs bataillons avec des « réguliers » anglais.

Le siècle touchait à son milieu et le sort du nouveau monde allait se fixer. Le Canada était relié à la Louisiane par une ligne redoutable de soixante forts et les Français en construisaient de nouveaux jusque sur le territoire pensylvanien. Malheureusement la population de la Nouvelle-France n’augmentait guère. La Jonquière, voyant le danger, avait adressé à Versailles un pressant appel. Il suppliait qu’on lui envoyât dix mille émigrants pour coloniser la vallée de l’Ohio. Il insistait sur la nécessité d’agir au plus vite… Mais Louis XV n’avait pas d’argent à dépenser pour ces sortes de choses et savait-il seulement ce que c’était que la vallée de l’Ohio ! Le seul espoir résidait maintenant dans la défection possible des Iroquois. Elle eût été assurée sans l’in-