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LE FORMATION DES ÉTATS-UNIS.

Au point de vue des influences européennes, la guerre de sécession rapprocha l’Amérique de l’Angleterre et l’écarta définitivement de la France. Napoléon iii s’était empressé, après la bataille de Bull-Run, de proclamer sa neutralité et de reconnaître les confédérés comme belligérants, contrairement à la demande des États-Unis qui insistaient pour qu’ils fussent regardés et traités comme des rebelles. Cette reconnaissance leur donnait le droit de se ravitailler et de réparer leurs navires dans les ports français. En agissant de la sorte, la France ne faisait que suivre l’exemple de l’Angleterre. Mais tandis qu’en Angleterre l’opinion se prononçait énergiquement contre l’esclavage, sans se laisser influencer par le bénéfice que le triomphe du Sud aurait eu pour effet d’assurer à l’industrie cotonnière, en France les sudistes furent tout de suite populaires. L’empereur, que le rôle de médiateur séduisait, au point qu’il eût volontiers suscité des conflits pour avoir le plaisir de les apaiser, voulut associer à sa démarche l’empereur de Russie et la reine d’Angleterre. Ses avances ayant été repoussées à Londres et à Pétersbourg, il intervint tout seul. M. Drouyn de Lhuys chargea le ministre de France à Washington de transmettre au congrès le conseil que voulait bien lui donner l’empereur des Français et qui était d’entamer au plus tôt des négociations avec les confédérés en vue de nommer des commissaires qui examineraient les griefs des deux parties. Le Congrès répondit qu’il ne se trouvait pas un seul homme aux États-Unis pour demander une intervention étrangère et que le peuple rejetterait avec indignation une paix obtenue au prix de la dissolution de l’Union. Cette politique maladroite n’eût pas suffi cependant à causer un irréparable dommage à l’influence française si Napoléon iii n’avait pas profité de ce qui se passait dans l’Amérique du Nord pour réaliser dans l’Amérique centrale le rêve le plus absurde que jamais souverain ait conçu. Le débarquement des troupes impériales au Mexique et l’accession de l’archiduc Maximilien au trône restauré de Montezuma soulevèrent la colère des Américains et leur laissèrent au cœur une rancune haineuse. Leur premier acte, la paix rétablie dans leur pays, fut de réclamer de Napoléon la cessation de l’occupation française en donnant à entendre que son maintien les amènerait à intervenir. Ce n’était pas le zèle antimonarchiste qui les enflammait. Quelques années plus tard, on devait voir le général Grant, devenu président des États-Unis,