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— Ah ! tu n’es jamais de trop ici, mon Max !… Pourquoi ne veux-tu pas demeurer avec nous ?

— Qui sait ?… Je m’y déciderai peut-être.

— Ce serait gentil. Allons, bonsoir.

J’étais debout devant la cheminée. Un grand miroir de Venise reflétait mon visage que l’attente, l’angoisse et la fermeté d’une résolution suprême palissaient. Ma robe noire tombait en longs plis funèbres et, sous mes cheveux sombres, je semblais le vivant symbole du Deuil.

Maxime se méprit à cette hautaine tristesse. Il ferma la porte derrière sa mère et s’avança vers moi, les mains tendues :

— Marion !… Tu ne me félicites pas !… Je suis libre maintenant, comprends-tu ?… Je suis libre… Personne ne nous sépare… Tu seras ma femme dans trois mois.

— Ta femme !

— À moins que tu ne préfères être tout de suite ma maîtresse chérie.

Je gardai le silence. Une inquiétude effleura son esprit.

— Je t’ai laissé le temps de te recueillir… J’ai respecté ton deuil filial… Si tu m’aimes…

Je le regardai. Que vit-il dans mes yeux désolés et résolus ? Ce fut comme un vent d’angoisse qui l’effleura. Son regard se durcit. Sa voix sonna plus haut :

— Tu dois m’aimer… tu ne peux pas ne pas m’aimer… surtout maintenant que j’ai fait selon ta volonté ?… Réponds, tu es à moi ? Tu m’aimes ?

— Hélas ! dis-je, je ne sais plus… Accorde-moi encore quelque temps.

Je m’assis sur le plus proche fauteuil. Mes jambes tremblaient. Je pressentais l’orage.

Il éclata… Maxime ne se maîtrisait qu’avec effort. Il eut un rire de colère.

— Non, ma chère petite, c’est trop fort !… Tu me la bailles belle… On ne se moque pas d’un homme comme tu le fais… Voyons, il n’est plus question de délai, ni de réticences… Tu t’es promise à moi. Tu t’es presque donnée… Veux-tu tenir ta parole, oui ou non ?

Je répondis d’une voix sourde :

— Pardonne-moi, Maxime. Je me suis interrogée… Je ne peux pas.