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contractés se détendaient ; la majesté de la mort descendait sur ce visage vénérable.

— Maxime ! gémissait ma marraine à travers ses sanglots.

Le médecin me toucha l’épaule. Je le suivis dans le salon.

— Mademoiselle, me dit-il, M. Gannerault n’a plus que quelques heures à vivre. Il ne reprendra pas connaissance. Vous ferez bien de prévenir son fils.

— Je cours le chercher, monsieur. Sa présence consolera ma pauvre marraine.

Je partis… Ah ! l’affreux, l’interminable voyage de l’observatoire à la rue Lemercier ! Je tremblais de ne pas rencontrer Maxime. Je tremblais de me retrouver près de lui et d’entendre des paroles de fausse émotion ou de brutale indifférence.

— Il n’a pas de cœur, me disais-je en pleurant. Il est sans pitié… Et pourtant c’est lui qui a tué son père !

La voiture s’arrêta devant une porte étroite surmontée de l’enseigne : « Hôtel meublé. » Un vieil homme coiffé d’une calotte m’examinait, debout sur le trottoir. Je descendis sans relever ma voilette tout humide, et je demandai M. Gannerault.

— Que lui voulez-vous, à M. Gannerault ?

— Je veux lui parler.

Le bonhomme me regarda avec méfiance. Je compris que Maxime, instruit par les jalousies de sa maîtresse, lui avait fait la leçon. J’insistai :

— Il faut absolument que je le voie. C’est pour une affaire de famille.

Oh ! le regard, le sourire dont le patron de l’hôtel accompagna l’indication : « Au premier, à gauche, dans le couloir. » Un garçon en tablier bleu passait sa tête cynique par le guichet du bureau et je devinai la gaieté grossière que mon embarras provoquait. Rouge, prête à pleurer, je montai l’escalier tournant que le gaz baissé éclairait à peine et je frappai à la porte en tâtonnant.

— Qui est là ? fit une voix.

— Moi, Marianne.

La porte s’ouvrit. Je vis une grande chambre banalement confortable, deux fenêtres pâles, l’arc des rideaux abaissé sur le lit, le miroitement d’une glace et la silhouette de Maxime dressée dans le clair-obscur.

— Marianne !… Est-ce possible ?

Une allumette craqua. Les objets, autour de moi, se préci-