Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/579

Cette page a été validée par deux contributeurs.

geur démentit. Tu as toutes mes tendresses, Marianne, et tous mes désirs.

— Cependant, une autre femme…

Il fit un geste d’insouciance et d’impuissance. Ma douceur s’aigrit brusquement en dépit d’amoureuse bafouée. Je me levai :

— Il faut que tu prennes un parti, pourtant. Non, je ne puis supporter cette idée. Ah ! quitte cette femme, quitte-la décemment, courtoisement, mais quitte-la. Jamais je ne pourrai t’aimer, tant que je te saurai à elle.

— Qui sait ? la jalousie, parfois, suscite ou développe l’amour.

— Ne plaisante pas.

— Mais, dit-il en allumant une cigarette, je ne demande pas mieux que de la quitter. Cela dépend de toi. Tu ne sais quelles conséquences peut avoir pour moi la rupture avec Mme de Charny. Certes, chère Marianne, je te sacrifierai cette pauvre créature qui ne m’inspire plus que de l’amitié, mais…

— Mais tu es incapable de générosités inutiles. Donnant, donnant. Tu ne veux pas perdre une maîtresse sans avoir la certitude de la remplacer immédiatement.

— Viens chez moi. Sois à moi. Il ne sera plus question de Mme de Charny.

— Jamais je ne me donnerai dans ces conditions-la. Il est délicat et beau, l’ultimatum !

— Allons, dit-il avec une colère qui croissait, voilà quatre mois que tu te dérobes sans cesse.

— La prudence…

— Tu as peur.

— Je veux que mes sentiments justifient mes actes. Ah ! quand je doute, quand je souffre, mon sang se glace, la vie se retire de moi.

Maxime jeta sa cigarette commencée :

— Les femmes sont stupides ! Elles ont une étrange manière de mêler ce pur sentiment aux réalités de la passion ! Ton âme, ton âme ! Eh ! ce n’est pas aujourd’hui, C’est dans la forêt, dans les bruyères, sous les pins que tu devais chanter la romance de la vierge timide. Je t’ai fait bien des concessions ; je me suis réconcilié avec mon père, j’ai travaillé, j’ai cherché tous les moyens de vivre et de te faire vivre, un jour, avec moi. Je suis prêt à désespérer une amie plus dévouée et plus généreuse que tu ne l’as jamais été. Enfin, tu t’es promise, quasi donnée. Et